The World Is Not Enough : Du bon Bond
Cinéma

The World Is Not Enough : Du bon Bond

On dira que The World Is Not Enough est un autre ramassis de gadgets, que les marques prestigieuses pullulent, que cette fille en short et aux poumons surdéveloppés n’a pas la carrure d’un docteur en physique nucléaire… On aurait raison,  mais…

Il y a deux façons d’envisager James: la logique et la groupie. Dans le premier cas, on dira que The World Is Not Enough est un autre ramassis de gadgets, que les marques prestigieuses pullulent, que cette fille en short et aux poumons surdéveloppés n’a pas la carrure d’un docteur en physique nucléaire, que c’est impossible de désamorcer une bombe dans un sous-marin échoué au fond du Bosphore, et que les méchants ne savent toujours pas tirer, 30 ans plus tard.

On aurait raison, mais on serait grincheux. Bond, c’est deux heures de grande roue. Aimer James, c’est aimer la B.D. papier glacé, les romans de gare, les héros impeccables qui ne meurent jamais et les aventures invraisemblables. 007 est censé réveiller les fibres adolescentes avec un matériel de base: le chic, l’humour, l’exotisme, le sexe, l’espionnage, la vitesse, les voitures, les gadgets et les méchants. Les derniers Bond (surtout Tomorrow Never Dies) avaient des ratés dans le moteur: dialogues déficients, surabondance d’explosifs, scénario débilitant et, surtout, un James Bond sans classe, plus près de Bruce Willis que de Sean Connery… Austin Powers est d’ailleurs arrivé à point pour se moquer de tout cela.

Il reste que cette dix-neuvième aventure est un bon Bond. Du musée de Bilbao à Istanbul, des glaciers de Chamonix aux étendues d’Azerbaïdjan, Pierce Brosnan promène son impeccable plastique à la poursuite d’un terroriste, Renard (Robert Carlisle: bon choix physique, mais méchanceté sous-utilisée). Sur sa route, James croise des femmes: Moneypenny (Samantha Bond), de plus en plus frustrée; M (Judi Dench), de plus en plus humaine; Christmas Jones (Denise Richards), la scientifique pneumatique; et Electra King (Sophie Marceau), fille d’un magnat du pétrole qui reprend en main les affaires paternelles. Ah! Marceau: enfin un rôle à sa mesure. Plus convaincante en méchante qu’en victime, elle demeure une actrice médiocre dans un corps de rêve, parfaite en James Bond girl.

Scénario plus solide, dialogues plus nombreux, gadgets plus amusants et moins encombrants: James a retrouvé son mordant et, mis à part quelques phrases d’un goût douteux (que ne dit-on pas au lit!), l’aplomb nécessaire pour commander décemment un martini vodka. Bref, Michael Apted, réalisateur zigzaguant entre le thriller écologique (Thunderheart), le drame psychologique (Nell) et le documentaire social (42 Up), a bien revampé la recette initiale. L’incontournable scène d’action prégénérique est spectaculaire, avec pétarade espagnole et poursuite londonienne en hors-bord; et dans la section gadgets insolites, on laisse tomber la panoplie de Batman: une petite veste antichocs et une voiture intelligente font l’affaire. Côté quincaillerie, on en profite d’ailleurs pour exécuter une passation des pouvoirs, R (John Cleese, très en forme) prenant le relais de Q, mécano de génie (Desmond Llewelyn, présent depuis le premier Bond).

Dans The World Is Not Enough, 007 fait clairement un retour aux sources: on se bat pour du pétrole, les imbéciles plongent dans le caviar, et la méchante porte de la haute couture. Que demander de plus?

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