

Fin août, début septembre : Avec le temps
Fin août, début septembre est une histoire non racontable, une tranche de vie faite de petits riens. De cette accumulation de détails qui finit par unir et séparer les hommes…
					
											Juliette Ruer
																					
																				
				
			Fin août, début septembre est encore une histoire non  racontable, une tranche de vie faite de petits riens. De cette  accumulation de détails qui finit par unir et séparer les  hommes. Gabriel (Mathieu Amalric), écrivain en devenir, en est  le personnage principal, et Adrien (François Cluzet), écrivain  sur le chemin de la célébrité, en est le personnage central.  Ils sont amis. Gabriel essaye de quitter Jenny (Jeanne Balibar)  et d’entamer une histoire avec Anne (Virginie Ledoyen). On  découvre aussi une ex d’Adrien (Arsinée Khanjian, madame Atom  Egoyan) et une nymphette, dernière flamme d’Adrien (Mia  Hansen-Love). Cette toile d’araignée relationnelle a été  imaginée par Olivier Assayas (Irma Vep, L’Eau froide), un  réalisateur hors mode, qui ne manque ni de talent ni de  snobisme, et dont le style maîtrisé frappe fort.
  Assayas est un mordu de Bergman et de cinéma taïwanais. Dans ce  film, on sent parfois les influences, dans cette manière de  jouer de l’ellipse, de s’amuser du temps. Il laisse souvent une  action importante se deviner entre deux scènes, en partie grâce  aux fondus au noir et aux intertitres. Ou bien il superpose  deux actions, sans forcément placer la plus importante devant  l’autre: durant une sérieuse dispute entre Gabriel et Anne, on  entrevoit la possibilité d’un drame plus grand, juste par  l’incongruité d’une sonnerie de téléphone. Assayas choisit  aussi un style qui n’est pas uniforme: on passe de la caméra  épaule qui suit les accélérations du cœur, les rages comme les  scènes d’amour, aux plans tranquilles, fixes ou souples, qui  laissent toute la place aux mots.
Avec cette cavalcade visuelle, le réalisateur vient de réaliser un film mature. Ou du moins, un film dense où il a voulu accumuler le maximum d’information dans une grande épuration stylistique. Sur papier, cela donne une brique philosophique, et sur pellicule, une œuvre parfois brillante, quelquefois agacante, voire rasante. On accroche grâce au jeu de Cluzet, à la spontaneité de Balibar, aux détours ingénieux d’un scénario spirituel, à la puissance de certaines phrases et à la vision éclairée du réalisateur sur la nature humaine. Mais on décroche aussi. Amalric et Ledoyen tapent sur les nerfs avec leur intensité… Certes, ils n’ont pas la partie facile, ils jouent des antipathiques égocentriques qui ne savent ni vivre, ni sourire, ni aimer. Pour eux, il n’existe qu’une seule façon d’incarner le mal de vivre, et c’est à la parisienne: Jack Daniel’s, cigarettes, cheveux en pétard, mines d’enterrement, baises sauvages et violentes engueulades. Il n’est toujours pas sûr que Ledoyen soit une bonne actrice: éternelle chatte rebelle qui minaude sans arrêt, entre candeur et perversité.
Quels sont les rapports à la mort et à la création? Comment se découvre-t-on après la mort d’un double? Après la fin d’une relation? Et quand accepte-t-on l’amour? Les grandes questions fusent dans tous les sens et nous bombardent. On sort du film avec l’impression que le cinéaste est encore capable de saisir la demi-teinte, le non-dit ou le presque-disparu. Il y a l’humain, il y a ce qu’il pense et ce qu’il fait. Assayas joue au milieu de tout cela avec brio et sérieux. On est artiste ou on ne l’est pas.
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