

Anna and the King : Faire école
Avec des images réelles et virtuelles, deux douzaines d’éléphants, quelques singes et beaucoup d’argent, Andy Tennant a mis le paquet: Anna and the King est une grande épopée romanesque.
					
											Juliette Ruer
																					
																				
				
			La comparaison est inévitable, que l’on soit curieux ou pas.  L’histoire vraie, mais déjà un peu exagérée par l’auteure  elle-même, est celle d’Anna Leonowens, qui écrivit dans son  journal intime son incroyable aventure. Autour des années 1860,  une jeune veuve anglaise (Jodie Foster) débarque au royaume de  Siam (Sun-Fat Chow), avec son fils, pour faire l’école aux  nombreux enfants du roi, désireux de s’ouvrir aux progrès  politiques et scientifiques de l’Occident. L’attachement d’Anna  pour les enfants, puis ses sentiments envers ce drôle de  monarque: tout ceci fut raconté en musique à Broadway, et au  cinéma avec Rex Harrison et Yul Brunner dans les babouches  royales. On ne parlera pas de la déplorable tentative animée,  sortie en début d’année.
  Avec une actrice plaquée or (crédibilité critique et deux  oscars en poche) et ce genre de sujet, on ne pouvait envisager  un petit film intimiste. Le grand déploiement était à prévoir,  et le film est fastueux, comme si on plongeait dans le monde de  Jules Verne. Avec des images réelles et virtuelles, deux  douzaines d’éléphants, quelques singes et beaucoup d’argent,  Andy Tennant (fort de son succès avec Drew Barrymore en  Cendrillon dans Ever After) a mis le paquet. Anna and the King  est une grande épopée romanesque, avec des horizons très  vastes, des nuits toujours baignées de clair de lune, et des  milliers de détails qu’on décèle à peine dans les arabesques du  décor et dans les robes paniers.
De pair avec le décor, Tennant n’a pas cherché la modernité dans la narration, sans pour autant affadir et délaisser les personnages. Les enfants, les concubines et les deux héros sont tous très bien campés, et se singularisent par quelques reparties cocasses, quelques angoisses politiques quand la Birmanie s’emballe, et quelques hésitations amoureuses bien dosées. Le réalisateur a juste appuyé sur la romance. Deborah Kerr se troublait quelque peu quand Yul Brunner lui prenait la taille pour valser, mais elle restait craintive. Jodie Foster, elle, est une suffragette avant l’heure et elle prend les commandes, avouant son amour et se retenant à deux mains pour ne pas sauter au cou de Son Altesse. L’accent est bon et le jeu est juste, mais l’Hollywoodienne fait parfois de l’ombre à ce tableau rétro, incapable de s’empêcher d’avoir des tics d’Américaine d’aujourd’hui. Dans la façon nonchalante d’avancer ou quand elle s’indigne, le maintien devient tout de suite plus mou… Mis à part ces détails, le film est la copie conforme des gros canons américains en technicolor, quand on racontait avec force violons les amours contrariées dans des îles exotiques, comme Love Is a Many Splendored Thing. Entre conte et réalité, il est facile d’embarquer dans le romanesque quand y met les formes.
Star de Hong Kong, Sun-Fat Chow parvient à succéder à Yul, l’impérial. Plus nuancé, plus séducteur, plus actuel, il a aussi plus de cheveux, mais ne chante pas. Dommage: le kitsch n’est pas complet et, le temps d’une valse, les inconditionnels ont une autre musique en tête…
Dès le 17 décembre