

Tumbleweeds : Tenir la route
Tumbleweeds est une sympathique chronique sentimentale de Gavin O’Connor, racontant les aventures d’une mère fofolle et malheureuse en amour et de son adolescente bien sage, alors qu’elles arpentent les routes des États-Unis.
					
											Georges Privet
																					
																				
				
			Depuis que le cinéma américain est devenu le bloc monolithique et sans âme qu’il est trop souvent, on a l’impression que ses créateurs ont oublié les vertus de la simplicité et de l’émotion. Même les cinéastes américains les plus audacieux (Todd Solondz, Paul Thomas Anderson, David Fincher et Cie) ont désormais recours à des sujets controversés ou à une approche explosive, qui sont devenus l’équivalent «sérieux» de la surenchère propre aux blockbusters – surenchère financière, d’abord, mais aussi (chez les indépendants) formelle et thématique.
C’est d’ailleurs sans doute ce qui explique que tant de  critiques se soient emballés pour un film aussi modeste, simple  et sincère que Tumbleweeds, une sympathique chronique  sentimentale de Gavin O’Connor, racontant les aventures d’une  mère fofolle et malheureuse en amour (Janet McTeer) et de son  adolescente bien sage (Kimberly J. Brown), alors qu’elles  arpentent les routes des États-Unis en allant d’hommes violents  en désillusions amoureuses, trouvant leur seul réconfort dans  leur relation aimante.
  Tumbleweeds n’est pas – il s’en faut même de beaucoup – un  grand film: le scénario (vaguement autobiographique) d’Angela  Shelton et de Gavin O’Connor est un peu trop lâche et facile,  et se termine malheureusement en queue de poisson (on n’a pas  l’impression que le film se conclut, mais qu’il s’arrête  abruptement); les personnages masculins (en particulier un  camionneur maladroit incarné par le réalisateur, et un brave  type peu convaincant, joué par Jay O. Sanders) sont assez mal  dessinés; et la mise en scène de certaines séquences, filmées  dans un style pseudo-documentaire à la NYPD Blue, nous empêche  parfois de nous concentrer sur les choses qu’elle tente  maladroitement de mettre en valeur.
Comment expliquer alors qu’on suive avec intérêt cette espèce de remake à peine déguisé d’Alice Doesn’t Live Here Anymore? Tout simplement parce qu’il est magnifiquement porté par deux grandes interprètes: la Britannique Janet McTeer, comédienne de théâtre parfaitement crédible en sudiste indépendante à la dérive; et Kimberly J. Brown, une jeune actrice d’un naturel stupéfiant, merveilleuse en ado obligée de materner sa mère. Leur relation conflictuelle, mais inébranlable, est le cœur du film, et O’Connor parvient à la filmer avec une honnêteté devenue rare aujourd’hui.
De fait, O’Connor a visiblement une affection pour le cinéma des années 70, qui se manifeste non seulement par le choix d’acteurs de soutien associés à cette époque (comme Michael J. Pollard ou Lois Smith), mais dans sa façon de privilégier les interprètes et l’ambiance au profit de la rigueur du montage ou de l’intrigue. Dès les premières notes de guitare accompagnant le premier plan de route désertique, on sent que Tumbleweeds suivra un sentier que peu de films américains ont emprunté depuis une vingtaine d’années: pas de bande sonore truffée de succès à la mode; pas de développements scénaristiques annonçant les deuxième et troisième actes; pas de résolutions faciles scellant à jamais le bonheur de l’héroïne et de sa fille. Juste la relation complexe de deux êtres (magnifiquement interprétés) traversant des crises, plus ou moins biens racontées.
C’est un plaisir modeste, certes, mais devenu suffisamment rare en ces temps de formatage cinématographique, pour qu’on ne se prive pas de suivre les hauts et les bas du parcours inégal auquel nous convie Tumbleweeds.
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