Any Given Sunday : Bonne passe
Qu’il traite de la guerre, de l’argent, des médias, de musique ou de politique, Oliver Stone ne parle que d’une chose: l’Amérique. Sous ses allures de film monté par une armée d’épileptiques, Any Given Sunday est un western déguisé en vidéo-clip…
Qu’il traite de la guerre (Platoon,Born on the Fourth of July), de l’argent (Wall Street), des médias (Natural Born Killers), de musique (The Doors) ou de politique (JFK, Nixon), Oliver Stone ne parle que d’une chose: l’Amérique – c’est ce qui fait la force et les limites de ses films.
Avec Any Given Sunday, cet Hemingway du 24 images/seconde essaie une fois de plus de faire le «great american movie», celui qui cristallisera l’essence de cette nation admirée et haïe, capable du meilleur et du pire; celui qui serait, aux années 90, ce qu’ont été The Godfather aux années 70 ou GoodFellas aux années 80; celui qui serait autant un spectacle qu’une réflexion, et qui réconcilierait les contradictions d’un pays et d’un cinéaste en quête de pureté, d’innocence et de virginité. Ça n’a jamais été aussi évident que dans ce dernier film où Al Pacino, véritable alter ego de Stone, incarne un entraîneur vieillissant mais têtu, qui tente de redonner du souffle à une équipe sur le déclin, tout en se battant contre une propriétaire mercantile (Cameron Diaz); en se débattant entre deux quarts arrière: l’un, essoufflé (Dennis Quaid), l’autre, gonflé à bloc (Jamie Foxx); et en tentant de rester fidèle à un esprit d’équipe grugé par la course au profit.
Pas besoin d’un bac en psychologie pour voir le cinéaste dans ce personnage qui veut désespérément rester dans la course tout en défendant les bonnes vieilles valeurs d’antan. Sous ses allures de film monté par une armée d’épileptiques, Any Given Sunday est un western déguisé en vidéo-clip. C’est le Nouveau Monde contre l’Ancien, les jeunes qui poussent les vieux dans la tombe; un avenir sans âme (le fric, la célébrité, les médias) qui fait table rase d’un passé idéalisé (éthique, saine compétition et amitiés fidèles). Oliver Stone, lui, voudrait conjuguer l’âge d’or d’Hollywood et l’ère MTV, jusqu’à montrer la course de chars de Ben-Hur sur une télé géante lorsque l’entraîneur confronte son jeune joueur vedette (poussant le clin d’oeil jusqu’à donner un petit rôle à Charlton Heston).
Comme toujours chez Stone, la fin justifie les moyens et, ici, on a droit aux couleurs saturées, au noir et blanc granuleux, au sépia, à la solarisation, au ralenti, aux images stroboscopiques. Un vrai lexique des images d’hier et d’aujourd’hui. Il faut être carnivore pour vraiment apprécier les films d’Oliver Stone: visuellement, il nous en gave au point que ça frôle l’indigestion. Pour ce qui est du message, c’est beaucoup plus clair: l’Amérique est vendue aux marchands, elle a perdu son innocence, et son salut tient dans le retour aux «vraies valeurs». On croirait presque entendre le Reagan de la grande époque, alors que c’est à Miami que se situe l’action (ville plus latino qu’américaine), et que ce sont une femme et un jeune Noir qui sonnent le glas des traditions.
Stone est peut-être un moraliste, mais c’est avant tout un homme de spectacle: il mène de façon magistrale un essoufflant suspense final, et il dose son discours avec le personnage de la mère de la propriétaire (Ann-Margret, excellente), buveuse plus que sociale qui est la seule à dire la vérité; et celui du jeune quart arrière qui met à jour le racisme des ligues de football. Quant à Pacino, il s’amuse comme un petit fou dans ce film de près de trois heures où l’on ne s’ennuie pas une minute.
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