The Hurricane : Noir sur blanc
Cinéma

The Hurricane : Noir sur blanc

On dit souvent que le meilleur des comédiens ne pourra jamais sauver un film, et les exemples ne manquent pas. Mais Denzel Washington dans The Hurricane pourrait bien être l’exception qui confirme la règle…

De Niro dans Flawless, Adjani dans Diabolique, Hoffman dans Dick Tracy, Binoche dans Un divan à New York, Brando dans Free Money: on dit souvent que le meilleur des comédiens ne pourra jamais sauver un film, et les exemples ne manquent pas. Mais Denzel Washington dans The Hurricane pourrait bien être l’exception qui confirme la règle. Depuis Glory, en passant par Malcolm X, Cry Freedom et Much Ado About Nothing, Washington a toujours été un acteur solide; mais dans le dernier film de Norman Jewison, il atteint une complexité, une profondeur, une qualité de jeu qu’on ne lui avait jamais vues. Le film est mal foutu, inégal, en dents de scie, trop court et trop long à la fois, mais le comédien de 45 ans parvient à lui donner un centre et une âme qui manqueraient furieusement s’il n’y était pas.

La saga de Rubin Carter, ce boxeur qui passa 22 ans en prison pour des meurtres qu’il n’avait pas commis, est célèbre aux États-Unis, au point que Bob Dylan en fit une chanson. Ici, l’histoire est moins connue. En 1967, au lendemain d’une défaite volée, Carter (Washington) est accusé par un flic raciste (Dan Hedaya) des meurtres de trois Blancs, fusillés dans un bar. Il passera plus de 20 ans en prison, où il écrira son autobiographie, un livre déterminant pour Lesra (Vicellous Reon Shannon), un adolescent de Brooklyn recueilli par des militants torontois qui l’ont pris en charge. À force de persévérance et de recherches interminables, l’ado et ce petit groupe d’idéalistes forceront la réouverture du dossier de Carter à la Cour suprême, où un juge (Rod Steiger) le fera libérer.

Un homme bafoué qui se bat contre le système, et devient héroïque en incarnant la justice; la solidarité à toute épreuve d’un petit groupe d’individus qui transcende les générations, les classes sociales et les races: dans un pays où règnent l’individualisme et le star-système, et où le racisme est si profondément ancré, cette histoire vraie était faite pour Hollywood. Qu’elle ait été réalisée par un Canadien qui a déjà donné dans le genre (In the Heat of the Night, And Justice for All, A Soldier’s Story) n’est pas surprenant. Ce qui l’est plus, c’est de constater à quel point The Hurricane est un film poignant (et parfois bouleversant), alors qu’il est bourré de défauts. Jewison semble s’être intéressé exclusivement aux personnages de Carter et de Lesra, les autres étant là parce qu’il le fallait bien. Les trois militants sont de vraies mères Teresa, et le flic ferait rougir Satan d’envie. Tous dessinés à gros traits, pour incarner sans la moindre nuance, ce qu’il y a de meilleur et de pire dans la nature humaine.

En centrant son film sur Washington, Jewison délaisse tout le reste. Il filme n’importe comment la jeunesse de Carter (ses années en maison de redressement), son mariage (le personnage de sa femme fait vraiment de la figuration), et son ascension dans le monde de la boxe (piquant allègrement, pour les scènes de combat, le noir et blanc et les ralentis de Raging Bull).

Film bancal et paresseux, The Hurricane restera comme la rencontre d’un grand comédien et d’un grand rôle.

Voir calendrier
Cinéma exclusivités