Zonzon : Cellules grises
La zonzon, c’est la prison. C’est aussi une pièce de théâtre de Patrick de Lassagne et Marc Andréoni, qui a servi de canevas pour le second long métrage de Laurent Bouhnik, jeune réalisateur passionné par l’idée de l’enfermement.
La zonzon, c’est la prison. C’est aussi une pièce de théâtre de Patrick de Lassagne et Marc Andréoni, qui a servi de canevas pour le second long métrage de Laurent Bouhnik, jeune réalisateur passionné par l’idée de l’enfermement. Ni documentaire ni reportage, cette fiction réaliste s’articule autour de trois détenus: Franky (Pascal Greggory), un dur à cuire plein de muscles et de tatouages; Kader (Jamel Debbouze), le beur déconneur qui préfère en rire pour ne pas en pleurer; et Arnaud (Gaël Morel), un fils de bonne famille, victime d’une erreur dans une affaire de stupéfiants. Trois milieux sociaux qui s’affrontent dans neuf mètres carrés.
Avec Zonzon, Bouhnik plonge à fond dans son sujet favori, mais il a dû composer avec la lourdeur d’une adaptation théâtrale et le poids d’un film à message où les détenus sont très bavards. On sent parfois le besoin de combler la scène, d’effacer les silences, d’expliquer et de répéter pour bien planter le caractère d’un personnage.
Pour ce qui est de l’idée, il fallait jouer de finesse. Le message derrière Zonzon est clair comme de l’eau de roche: des hommes sont mis en prison parce qu’ils n’ont pas respecté les règles sociales. Or, une fois en taule, ces règles n’existent pas. Bannir la liberté est une chose, bafouer les droits en est une autre. Abus de pouvoir, brimades, vexations, règlements de comptes, délations: l’échantillonnage est presque complet. Et cela doit cesser. Or, les films à caractère dénonciateur, réalisés dans le but de «changer les choses», n’ont parfois que la force du coup de gueule. On part en croisade avec un esprit pur et dur, et on oublie de faire un film. Pas trop de casse dans Zonzon, puisque la mise en scène et les acteurs sauvent la mise.
Après un générique plus travaillé que la moyenne des génériques français, on embarque dans la cellule. On s’enferme, mais on n’étouffe pas. On sent constamment l’étroitesse des lieux dans cette prison reconstruite en studio, mais la caméra, très mobile, traverse les murs, passe à travers les barreaux, se met dans le judas de la porte, et se balance d’un personnage à un autre. Images au ralenti, flou, contre-plongée: seul le cadre est libre dans ces lieux étroits.
Dans cette structure aussi sophistiquée qu’une planche de bande dessinée, les acteurs sont plus subtils que le message à transmettre, et plus naturels que le cadre. Et la combinaison est étonnante: Greggory, en bête humiliée, est tout à fait crédible. Si le langage de la zone accroche parfois dans sa bouche, il sauve son personnage en misant sur un jeu animal et physique. Face à lui, Jamel Debbouze s’en donne à coeur joie: il a le monopole de l’humour et une étonnante capacité d’acteur. Morel, le fragile adolescent des Roseaux sauvages, joue entre les deux. Moins flamboyant mais très juste, il est celui qui ne s’intègre pas. Ensemble, ils forment un trio bancal mais agréable, un trio réaliste dans un film maniéré.
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