The Legend of 1900 : Et coule le navire
Avec force moyens, Tornatore a chouchouté The Legend of 1900, son premier film en anglais. Les décors sont imposants et soignés, et il prend le temps de les filmer avec délectation. Mais sa façon de faire, elle, reste inchangée.
Normal que Giuseppe Tornatore ait craqué pour Novecento, court récit d’Alessandro Baricco, le populaire auteur de Soie. C’est adorable, pétillant, symbolique et hautement romanesque; le genre d’histoire que l’on garde en soi comme une soupape quand tout est trop gris. Durant le premier mois du millénaire, dans la salle de bal d’un paquebot qui assure la liaison Angleterre-New York, un mécano trouve un bébé abandonné. Baptisé «1900» (Tim Roth), l’enfant va grandir dans le bateau et ne posera jamais le pied à terre. Fasciné par le piano, il va devenir virtuose. Son histoire incroyable est racontée par Max (Pruitt Taylor Vince), trompettiste et ami qui, jusqu’à la fin, cherchera à faire descendre 1900 du navire.
Quand le réalisateur de Cinema Paradiso s’amourache d’une histoire de ce genre, on prépare les violons… Mais on repassera pour les mouchoirs. Avec force moyens, Tornatore a chouchouté son premier film en anglais. Les décors sont imposants et soignés, et il prend le temps de les filmer avec délectation. Mais sa façon de faire reste inchangée. On retrouve les thèmes fétiches du réalisateur: une amitié fidèle (ici, les modèles sont Laurel et Hardy), un idéal à suivre, un humanisme chaleureux et une petite poussière de magie. Malheureusement, l’émotion des baisers volés de Cinema Paradiso s’est évaporée sur ce gros Titanic sans vie. Cette délicieuse fable sur un homme qui se rend invisible, sur la crainte des choix, et, pourquoi pas, sur la complexité d’un siècle à venir, perd toute son énergie dans ce film précis mais sans grâce. Tim Roth y noie d’ailleurs son talent. Un surplus de conventions cinématographiques, de bons sentiments et de réalisme sincère a fait éclater une jolie bulle.
The Legend of 1900 a été amputé de plusieurs minutes par les producteurs (Fine Line). Que n’en ont-ils coupé plus! On étire la sauce jusqu’à l’ennui, allant jusqu’à nous faire écouter chaque morceau d’un duel musical entre 1900 et Jelly Roll Morton (Clarence Williams III). On subit des dialogues insipides, des regards mornes, des plans interminables de figurants réglés comme des marionnettes et des scènes trop prévisibles, voire carrément grotesques. Et, côté musical, Ennio Morricone s’est complètement laissé aller dans le sirupeux. Tornatore a glissé sur le pont de ce trop gros bateau. Son talent de fabricant d’émotions a juste un peu dérapé.
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