Eye of the Beholder : Tape-à-l’oeil
Si l’on se fie à Eye of the Beholder, Stephan Elliott semble malheureusement faire partie des cinéastes persuadés – par prétention ou par naïveté – qu’il suffit de quelques effets chics et chocs pour réinventer le film noir de fond en comble.
Comme tous les genres aux règles bien établies, le film noir attire régulièrement des cinéastes persuadés – par prétention ou par naïveté – qu’il suffit de quelques effets chics et chocs pour le réinventer de fond en comble…
Stephan Elliott (le jeune réalisateur australien de Priscilla Queen of the Desert, mais aussi du très mal reçu – et toujours inédit sur nos écrans – Welcome to Woop Woop) semble malheureusement faire partie de ces cinéastes si l’on se fie à Eye of the Beholder, un polar stylé mais sans substance, où la logique et la cohérence sont constamment subordonnées au concept et au look.
Il faut dire que le roman homonyme de Marc Behm (qui avait déjà inspiré Mortelle Randonnée, de Claude Miller) possède une prémisse qui peut facilement susciter ce genre de traitement. Avec son histoire d’un détective, surnommé «L’Oil» (en deuil de sa fille), s’éprenant d’une meurtrière (en deuil de son père) qu’il est chargé de traquer, Eye of the Beholder a suffisamment de résonances cachées pour inspirer (au choix) un film noir romantique, un polar oedipien, une réflexion sur le voyeurisme (et donc sur le cinéma) ou un road-movie existentiel. Il suffisait de faire son choix et de donner vie aux personnages.
Malheureusement, Stephan Elliott aime tellement les idées du livre qu’il les restitue telles quelles, comme des intentions et des concepts. Avec le résultat que L’Oil (Ewan McGregor) et la meurtrière qu’il traque (Ashley Judd) demeurent des figures symboliques et artificielles qui se poursuivent – sans que l’on comprenne toujours qui fait quoi – au fil d’une histoire à laquelle on ne croit tout simplement jamais.
Restent le plaisir de voir Guy Dufaux envelopper ce polar tape-à-l’oeil dans des images extrêmement séduisantes; et celui de voir Jean-Baptiste Tard transformer habilement Montréal en une douzaine de villes américaines différentes. Leurs contributions (ainsi que celle de Geneviève Bujold, impressionnante dans un court rôle) ne suffisent toutefois pas à donner de la substance à ce polar élégant, qui séduit souvent l’oeil mais laisse le coeur et l’esprit complètement indifférents.
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