Simpatico : À cheval donné…
Cinéma

Simpatico : À cheval donné…

Des chevaux qui caracolent; un clochard qui panique au téléphone et un homme d’affaires très calme qui lui répond; une femme endormie qu’on ne doit pas déranger… Simpatico, le premier long métrage de Matthew Warchus, installe dès le début une angoisse sourde, un malaise diffus et non expliqué.

De longs plans gracieux de paysages et de visages. Des chevaux qui caracolent; un clochard qui panique au téléphone et un homme d’affaires très calme qui lui répond; une femme endormie qu’on ne doit pas déranger… Simpatico, le premier long métrage du Britannique Matthew Warchus, installe dès le début une angoisse sourde, un malaise diffus et non expliqué. Le sentiment est accrocheur et agréable, mais il va s’étioler, et finalement se perdre. Pourtant, jusqu’au bout – grâce aux acteurs et à la photographie -, on va espérer un resserrement, un virage à la corde qui redonnerait à Simpatico la force d’un film noir.

Ce réalisateur est inconnu, mais il a su s’entourer: le script est tiré d’une pièce de Sam Sheppard; et des stars se donnent la réplique. Mais cela ne suffit pas. Vinnie (Nick Nolte) et Lyle (Jeff Bridges) sont deux amis d’enfance. Vinnie est devenu un clochard paranoïaque qui vit dans un taudis en Californie; et Lyle, un très riche propriétaire d’écurie, à l’aise dans une splendide demeure du Kentucky, entouré d’un étalon, Simpatico, à qui il doit sa fortune, et d’une épouse un peu névrosée, Rose (Sharon Stone), qui fut autrefois la petite amie de Vinnie. Un secret qui a scellé la vie de ce trio va ressortir, secret longtemps enfoui qui implique un officiel des courses de chevaux (Albert Finney) et une messagère innocente (Catherine Keener).

Ces cinq acteurs se donnent entièrement et souvent avec justesse, particulièrement Finney et Stone qui s’exposent sans grande complaisance. Mais tous talents confondus, ils n’arrivent pas à colmater les fuites. Une mise en scène convenue et tricotée très lâche alourdi cette histoire qui aurait peut-être gagné en vivacité dans un encadrement plus sobre, sur une scène off-Broadway. À l’air libre sur grand écran, avec de longs flash-back qui peu à peu élucident le mystère du passé; on oublie l’importance du drame. Le sordide secret a beau être distillé au compte-gouttes, et certainement à cause de cela, on se désintéresse complètement de ce qui a pu se passer. Et cela rejaillit sur le présent, rendant de plus en plus incompréhensible le malaise paranoïaque de chaque personnage. Même le cheval n’a pas l’air dans son assiette… De plus, l’action s’étale sur 48 heures et on a vraiment de la difficulté à accepter une explosion si soudaine de pathos réunis. Bien sûr, les thèmes évoqués restent chers à Sheppard – les crises d’identité, les drames enfouis, les revers de fortune, etc. – Mais il devient impossible de croire aux personnages, à leur souffrance et donc à leur histoire. En rendant accessibles les tourments de Sam Sheppard, Warchus les a perdus. Il a expliqué plus que suggéré, brisant dans l’oeuf toute tentative de surprise. Nolte reste une matière indomptée, oscillant entre Le Clochard de Beverly Hills et Affliction; Bridges perd la boule comme dans Arlington Road; et Sharon Stone égratigne, mais du bout de l’ongle seulement, son vernis de star. Seuls Finney et Reed offrent ce trouble réel qui peut facilement se transformer en panique.

Cependant, la qualité de la photo et d’une lumière subtilement dosée, la souplesse de la caméra et l’attention portée aux détails empêchent de lâcher prise immédiatement. On attend pourtant, à chaque scène, qu’un acide à la Grifters prenne le dessus. Le mors aux dents, si j’ose dire.

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