Les Miroirs aveugles : Rien à voir
Cinéma

Les Miroirs aveugles : Rien à voir

Qu’en est-il du rapport de séduction à l’heure de la réalité virtuelle? L’accroche est excitante et la question, toujours pertinente. Et ça mérite qu’on s’y attarde le temps d’un documentaire. C’est ce qu’a fait Jean Tessier avec Les Miroirs aveugles, une coproduction Filmovie et ONF.

Qu’en est-il du rapport de séduction à l’heure de la réalité virtuelle? L’accroche est excitante et la question, toujours pertinente. Et ça mérite qu’on s’y attarde le temps d’un documentaire. En presque deux heures de pellicule, c’est ce qu’a fait Jean Tessier avec Les Miroirs aveugles, une coproduction Filmovie et ONF. Le réalisateur a rencontré et filmé une douzaine de personnes, de vingt à cinquante et un ans. Toutes tissent ou ont essayé de tisser des liens à travers les réseaux de services téléphoniques et Internet. On découvre les accros, comme Évelyne, Charles et Stéphane, qui en ont fait un point central de leur vie, dépensant jusqu’à mille dollars par mois en frais de téléphone, pendus une bonne partie de la journée à leur boîte vocale, essayant de capter l’âme soeur dans toutes les voix qui s’y font entendre. Il y a Sylvain qui a rencontré trois cents femmes en trois ans; Natasha qui discute avec son copain en Hollande, copain rencontré sur Internet dans un cybercafé; aussi Baboye, un Sénégalais qui cherche à briser l’isolement; Luc qui a été opérateur d’une ligne gaie de conversations téléphoniques, ou Fred qui déclare qu’il a de grands amis sur Internet, amis qu’il n’a jamais vus… On peut se perdre en toute conscience dans un miroir aux alouettes qui promet l’amitié et l’amour; ou, presque avec détachement, on peut se servir de cet outil pour étendre le champ de ses rencontres et de ses conquêtes. Le constat semble cependant identique pour tous: quelle que soit l’assurance avec laquelle on embarque dans un réseau, on ne se livre jamais vraiment et il est rare qu’on rencontre réellement quelqu’un. On ne se voit pas et, en plus, on se cache. Dure, dure, la séduction virtuelle.
Le sujet est fascinant, l’intérêt sociologique; indéniable, les intervenants sont crédibles et Tessier aborde tout cela avec grande objectivité. Outre quelques petites mises en scène – celle du gars ahuri qui écoute ses messages ou celle d’Évelyne qui se couche dans son lit en enlaçant son oreiller -, ce documntaire offre une vision ouverte du phénomène. Malheureusement, le traitement n’est pas à la hauteur. Pas que le sujet demande un rythme à la MTV, pas qu’il faille suivre dans la forme un mode électronique pressé, celui des réseautages décrits; mais Les Miroirs aveugles manque singulièrement d’entrain et de nerf. Les entrevues s’éternisent et amenuisent le discours, qui devient redondant. Plus d’info, d’humour et d’originalité n’aurait pas nui certes. Bref, tout est atrocement endormi et convenu. Entre les intervenants, on se tape des plans de coupe d’une urbanité où l’individu prime – les pieds sur le trottoir, les voitures sur le boulevard – sur fond de jazz; quand ce n’est pas quelques pigeons qui s’ébrouent dans une flaque. N’y a-t-il pas d’autres manières d’illustrer la solitude dans nos grandes cités? Tout cela sent terriblement la poussière.

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