

Holy Smoke : Krishna & kangourous
L’auteure de Sweetie, d’An Angel at my Table et de The Piano ne manque pas d’inspiration. Pour décliner des thèmes qui lui sont chers — joute sexuelle et recherche spirituelle -, Campion n’y va pas par quatre chemins: Holy Smoke est l’illustration exacte de ses reflexions.
					
											Juliette Ruer
																					
																				
				
			Jane Campion a vraiment une façon de procéder des plus  alléchantes. Et l’on prend un plaisir fou à voir ses films. Si  parfois le sujet échappe et même déçoit, cela n’a finalement  que peu d’importance, tant certaines images sont jubilatoires.  L’auteure de Sweetie, d’An Angel at my Table  et de The Piano ne manque pas d’inspiration. Pour  décliner des thèmes qui lui sont chers — joute sexuelle et  recherche spirituelle -, Campion n’y va pas par quatre chemins:  Holy Smoke est l’illustration exacte de ses  reflexions. Jeune Australienne, Ruth (Kate Winslet) se trouve  coincée en Inde, corps et âme, par un gourou flamboyant. Sa  famille, alarmée, la presse de revenir, prétextant une crise  cardiaque paternelle. Elle revient, mais la dite famille veut  aussi la «soigner». Elle envoie donc quérir un expert en  désenvoûtement, PJ Waters (Harvey Keitel). Ruth et PJ, isolés  dans le désert, ne vont pas se confronter très  longtemps…
  Comme toujours, les personnages de Campion ont une existence  riche, détaillée par petites touches, autant par l’écriture,  par le jeu que par le style. Plus vrais que nature, ils  évoluent entre réalité et symbole. Synthèse saisissante de PJ  Waters, en quelques plans à son arrivée à l’aéroport de Sydney:  la cinquantaine ringarde, les cheveux colorés, les bottes de  cow-boy, mais aussi la séduction dédaigneuse; une trop grande  assurance sexuelle qui va vite être déboulonnée par celle, plus  solide et assumée, de Ruth. Ronde et dorée, Winslet a tout d’un  fruit appétissant! Opposition et attirance, la tension entre  les deux n’est pas si forte; on sait d’emblée qui sera le  gagnant de cette joute sensuelle cousue de fil blanc. En gros,  la jeunesse donne son corps et la maturité offre son esprit: on  a déjà vu vision du couple plus originale… N’empêche! Keitel  joue du Keitel et Kate Winslet a la réponse solide, le verbe  haut et campe la jeunesse contemporaine; à la fois sûre d’elle  et déboussolée, cherchant un sens à sa vie.
  Avec un humour souvent féroce, Jane Campionne peut s’empêcher  de poser un regard attendri sur ce qui l’entoure. On peut se  lasser d’une pensée sociale si candide, mais il faut  reconnaître qu’elle est toujours exposée avec panache et un  petit sourire en coin. Que ce soit dans le jugement des valeurs  occidentales, concentrées dans cette famille bouffie de  surconsommation, sans rêves, sans esprit et sans mémoire,  peuplée de bigots et d’imbéciles; ou dans la caricature  ultra-colorée (les effets spéciaux à la rescousse) de  l’envoûtement pour un ailleurs plus riche et très mode, pour  l’Inde, éclatante d’un mysticisme de carte postale, avec sari  immaculé, fond de ciel mordoré et apparition de Ruth en déesse  indienne. Si la réflexion s’arrête aux mots des protagonistes,  le charme d’une mise en scène qui respire, qui prend son temps  et ses aises et qui materne si élégamment ses acteurs a un réel  pouvoir d’envoûtement…
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