

Full Blast : À bout de souffle
Full Blast est un «film de jeunes» inégal mais intéressant, qui a comme principale qualité d’éviter presque tous les défauts du genre: pas de héros branchés, de cartes postales urbaines, d’effets tape-à-l’oeil et de montage épileptique.
					
											Georges Privet
																					
																				
				
			Portrait âpre d’un groupe de jeunes adultes à la dérive,  Full Blast, le premier long métrage de Rodrigue Jean,  a au moins le mérite de se démarquer nettement des films  québécois de son époque. Plus lent, moins structuré, assez  sombre et témoignant d’une franchise sexuelle devenue rare dans  notre cinéma, ce «film de jeunes» inégal mais intéressant a  comme principale qualité d’éviter presque tous les défauts du  genre: pas de héros branchés, de cartes postales urbaines,  d’effets tape-à-l’oeil et de montage épileptique. À la place,  une histoire simple (inspirée du roman L’ennemi que je  connais de Martin Pître), filmée de manière assez sèche,  qui raconte la misère d’une demi-douzaine d’amis tournant en  rond dans un petit village de pêche du  Nouveau-Brunswick…
  Il y a d’abord Steph (David La Haye) et son ami Piston (Martin  Desgagné), qui se retrouvent sans argent et sans travail quand  une grève vient temporairement fermer la scierie locale. Il y a  ensuite Marie-Lou (Marie-Jo Thério), l’ex de Piston et la  soliste des Lost Souls, le petit groupe rock qu’ils ont formé  ensemble. Il y a aussi Rose (Louise Portal), la maîtresse de  Steph, qui passe son temps entre le bar où elle travaille et  l’appartement où elle vit avec son fils adulte (Daniel  Desjardins), qui est toujours écrasé devant la télévision. Et  il y a finalement Charles (Patrice Godin), le baroudeur qui  avait quitté le village et dont le retour et la séduction vont  venir mêler les cartes…
  Mais l’intérêt du film est ailleurs que dans le scénario  honnête mais sans plus de Rodrigue Jean et Nathalie Loubeyre.  Il réside surtout dans des qualités de mise en scène  (l’attention portée aux personnages, un regard quasi  documentaire, l’ancrage dans une réalité sociale), qui  faisaient jadis la force de nos films mais qui ont aujourd’hui  presque disparu de notre cinéma. Des qualités que l’on retrouve  dans la photo de Stefan Ivanov, la manière dont elle aborde  l’espace, les visages et les corps; dans la richesse de la  bande sonore, qui mêle la musque de Robert Marcel Lepage, les  dialogues et des bruits d’ambiance en un environnement sonore  subtil mais omniprésent; et dans les performances sans faille  que livrent presque tous les acteurs du film (en particulier  David La Haye, qui trouve ici l’un de ses meilleurs rôles, et  Marie-Jo Thério et Louise Portal, habitant complètement des  personnages qui auraient facilement pu frôler le cliché).
  Bien qu’il ait été tourné au Nouveau-Brunswick, Full  Blast est un drame si étrangement coupé du temps et de  l’espace (il pourrait se dérouler n’importe où et à n’importe  quelle époque…) qu’il évoque irrésistiblement le cinéma  québécois d’un autre âge: celui de films plus sauvages et aux  aspérités intéressantes, comme, par exemple, L’Hiver  bleu ou Bulldozer. Ses qualités et défauts  contribuent à en faire un objet singulier qui est — malgré ses  incontestables longueurs et sa dispersion narrative – assez  original et vivant.
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