La Nouvelle Ève : Adam court toujours
Cinéma

La Nouvelle Ève : Adam court toujours

Recherche amour désespérément: Catherine Corsini réalise une chronique douce-amère à un rythme d’enfer. Entrevue avec une réalisatrice pressée.

D’Autant en emporte le vent au Patient anglais, en passant par L’Histoired’Adèle H, le cinéma regorge de personnages de femmes amoureuses d’hommes inaccessibles, et encore plus de maîtresses éprises de maris incapables de choisir entre deux femmes. Sur ce canevas on ne peut plus classique, Catherine Corsini a écrit (avec Marc Syrigas) et réalisé une comédie tonique au rythme trépidant, une chronique doucement amère sur une Parisienne qui n’a pas froid aux yeux. Maître nageuse, après avoir fait des études aux Beaux-Arts, Camille (Karin Viard) virevolte de partys en amants, et de nuits folles en aventures sans lendemain. Son refus de la norme, incarnée par le mariage pépère de son frère, ne l’empêche pas de chercher le prince charmant, qu’elle trouve sous les traits d’Alexis (Pierre-Loup Rajot), marié, père de famille et membre du Parti socialiste. Ne se laissant pas démonter pour si peu, Camille engage le combat en offrant son amitié à l’élu, s’inscrivant au Parti, allant jusqu’à faire connaissance avec l’épouse (Catherine Frot). L’objet de son désir succombera-t-il à ses avances forcenées? Et, si oui, que se passera-t-il après? C’est ce que vous saurez en allant voir La NouvelleÈve.
Dans les salons d’un grand hôtel parisien, Catherine Corsini, l’oeil et le cheveu noirs, ne cache pas que son dernier film est en partie autobiographique. «Je dirais à 50 %. Le reste, c’est une fiction basée sur l’observation des célibataires dans la trentaine, de leurs illusions, de leurs espoirs, de leurs déceptions amoureuses.» Saveur autobiographique peut-être, mais pas journal intime ou séance de psychanalyse publique.
«J’ai travaillé avec un scénariste pour ne pas tomber dans la complaisance, et pour donner une forme à cette histoire que je voulais drôle, afin d’éviter l’apitoiement et le côté larmoyant que peuvent avoir les difficultés amoureuses.»
Ce film, qu’on pourrait qualifier de burlesque rave, mêle une énergie brute qu’on retrouve plus souvent aux États-Unis, et une gravité propre au cinéma français. «Pour moi, une bonne comédie part souvent d’un sentiment grave. Dans mon film, c’est la recherche de l’amour par quelqu’un d’assez désespéré; et, si l’on étire le fil des situations et des sentiments, on a une palette assez large. Quand on est triste ou en colère, on peut balancer quelque chose de très drôle, tout en restant dans le sentiment. C’est cette opposition qui m’intéressait.» Ça donne un ton très particulier qui, bien qu’enraciné dans le Paris des années 90, évoque celui des comédies américaines des années 30. On imagine tout à fait Cary Grant et Carole Lombard dans les deux rôles principaux.
«C’est vrai que j’ai beaucoup pensé aux comédies de cette époque-là. Mes films précédents étaient plutot dramatiques, mais là, je me suis rendu compte qu’il fallait avoir un timing très serré sur la manière de dire les choses. Un côté ping-pong. Je sentais quand il fallait aller vite ou, au contraire, ralentir pour faire passer des choses plus graves. Dans la comédie, il faut retravailler énormément les situations pour trouver l’équilibre entre le réalisme, l’émotion et la légèreté. Il faut que les dialogues soient signifiants sans être explicatifs, et qu’ils soient dans le rythme.»
Si La Nouvelle Ève s’éparpille parfois à suivre d’un peu trop près les égarements et les volte-face de son héroïne, on y trouve cependant une énergie vitale portée par l’enchaînement soutenu des séquences, et surtout par la vitalité de Karin Viard, véritable moteur du film. «J’aime bien que ça bouge, explique Corsini. Il faut qu’il y ait déjà du mouvement dans l’écriture. C’est un film à la première personne, et Camille figure dans tous les plans; par conséquent, avec une autre comédienne, il aurait été complètement différent, il n’aurait pas eu le côté pétulant de Karin.» Déterminée jusqu’à en être kamikaze, casse-cou des sentimentsjusqu’au masochisme, Camille est de ces «femmes qui aiment trop», prototype de personnages féminins dont on retrouve très rarement la contrepartie masculine. «J’aimerais bien faire une vraie comédie sur un homme en recherche d’amour, avance la cinéaste, mais je ne sais pas si ce serait aussi drôle! Dès qu’un homme est dans la demande, ça devient plus tragique, plus pathétique. Camille n’a aucune retenue. On aurait plus de mal à montrer un homme qui exprime ses sentiments de façon aussi entière, aussi évidente!»
Premier film de Catherine Corsini à sortir en salle à Montréal, La Nouvelle Ève risque fort de ne pas être le dernier si la réalisatrice mène son prochain long métrage à terme. En effet, elle aimerait travailler avec Pascale Bussières. «C’est l’histoire de deux amies qui se retrouvent et qui vont développer un rapport très cruel; j’aimerais bien rencontrer Pascale Bussières. Je trouve que c’est une grande actrice.» Une coproduction à l’horizon?

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