8 Femmes 1/2 : Conte à rendre
Cinéma

8 Femmes 1/2 : Conte à rendre

Artiste multidisciplinaire, Peter Greenaway a une culture foisonnante, qu’il met à contribution dans 8 Femmes 1/2. Mais cet acharnement s’avère superficiel et provocateur.

Depuis Meurtre dans un jardin anglais, qui, en 1982, lança sa réputation de touche-à tout formaliste, cultivé, cérébral et attiré par les chiffres, l’architecture et les perversions humaines, Peter Greenaway a signé une dizaine de films, constructions sophistiquées qui ont l’éclat, la froideur et le mystère du métal du mécanisme d’une montre suisse. Fraîchement accueilli au dernier Festival de Cannes, 8 Femmes 1/2 se situe à Genève où un veuf éploré (John Standing) et son fils (Matthew Delamere) transforment la demeure familiale en bordel privé, y installant «huit femmes et demie», catalogue vivant des fantasmes masculins. On y retrouve donc deux Japonaises, l’une vénale (Shizuka Inoh), l’autre mystérieuse (Kirina Mano); une secrétaire (Vivian Wu) et une servante (Barbara Sarafian) dévouées; une nonne lubrique (Toni Collette) et une vestale bestiale (Amanda Plummer); une maman (Natacha Amal) et une putain (Polly Walker); sans oublier une cul-de-jatte (Manna Fujiwara). Le compte est bon, mais le film l’est beaucoup moins.
Artiste multidisciplinaire (le cinéaste a mis en scène trois opéras, et ses peintures ainsi que ses installations ont été exposées dans le monde entier), Peter Greenaway a une culture foisonnante, qu’il met ici à contribution avec un acharnement peu digeste. Du titre aux extraits de Huit et demi insérés, en passant par les sujets du désir et de la vieillesse, Fellini se taille la part du lion au chapitre des références. Mais de la maison des Emmenthal (on est en Suisse, tout de même!), qui évoque celle de L’Année dernière à Marienbad, aux clins d’oeil à Belle de jour ou au Journal d’une femme de chambre, en passant par les allusions multiples à la peinture, à l’opéra et à la littérature, 8 Femmes 1/2 souffre d’une surcharge de citations mal intégrées, et qui, surtout, ne supportent pas la comparaison avec les oeuvres qui les ont inspirées. Le film de Resais est autrement plus opaque; celui de Buñuel, plus troublant; et celui de Fellini, bien plus impudique et généreux; quant à Shakespeare, Verdi et Renoir, ils peuvent dormir en paix…
Film bavard, élégant, et superficiellement provocateur, 8 Femmes 1/2 n’est, sous son vernis politiquement incorrect de «comédie laconique» (dixit Greenaway), qu’un livre d’images destiné à émoustiller un cinéaste qui fonctionne de plus en plus en circuit fermé.

À Ex-Centris
Dès le 18 mars
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