Une liaison pornographique : Romance
Encore Nathalie Baye. Encore un titre sur lequel on se retourne. Encore un film croustillant? Oui, mais pas forcément pour les raisons imaginées. Le réalisateur belge Frédéric Fonteyne a réussi un excellent film d’amour.
Encore Nathalie Baye. Encore un titre sur lequel on se retourne. Encore un film croustillant? Oui, mais pas forcément pour les raisons imaginées. Le réalisateur belge Frédéric Fonteyne (Max et Bobo) et son scénariste attitré, Philippe Blasband, ont juste réussi un excellent film d’amour. Un homme, une femme, une rencontre amoureuse: pour renouveler le genre, pour capter des regards émouvants et inventer des dialogues qui touchent encore, il fallait bosser… «Bizarrement, tout est allé très vite, explique le réalisateur. Mais je connais intimement l’écriture de Philippe. Je suis parti du fond de l’histoire et de mes propres questionnements sur l’amour. Tout a suivi ensuite». Mais si Une liaison pornographique surprend et si l’on s’y ennuie rarement, c’est que les auteurs ont réussi une chose étonnante de nos jours: un film vraiment actuel qui résonne aux accents d’un autre temps, celui de Bresson et de Cassavetes, des maîtres pour le réalisateur de 32 ans. Une liaison pornographique est le travail d’un cinéphile qui se garde de ses influences, et dont on imagine toute la réflexion pour aboutir à cette limpidité. «J’ai très vite compris que j’étais réalisateur et non scénariste; je ne suis pas un réalisateur qui croit qu’il sait écrire», avance Fonteyne pour expliquer cette assurance dans le ton.
Dans un style maîtrisé, Fonteyne a conçu une histoire d’amour mature et actuelle: voici une relation d’aujourd’hui, et à ce stade de l’évolution humaine, féministe et urbaine, voici ce qu’un homme et une femme se disent et ce qu’ils peuvent désirer. Un peu comme si Les Amants visitaient le présent. On parle de temps présent, car c’est bien le seul repère dont on dispose dans ce film… Des lieux, de l’âge, des noms et des occupations, on ne sait rien. Pour assouvir un fantasme sexuel, une femme (Nathalie Baye, qui a remporté le prix d’interprétation féminine à Venise pour ce rôle) rencontre un homme (Sergi Lopez) par l’entremise d’une petite annonce. Un redez-vous dans un café, une petite marche silencieuse vers l’hôtel, et l’homme et la femme montent l’escalier, s’enfoncent dans le corridor, ouvrent la porte, la ferment. Et puis rien. On ne voit rien, on ne sait rien. On suppute. Ils recommencent leur manège. Et, bien sûr, quand les sentiments s’en mêlent, la relation évolue et derrière la porte close, tout change.
Le film est comme un long retour en arrière et on sait d’emblée que cette relation a fait des dégâts. Une voix douce hors champ, genre confessionnal ou émission de télé voyeuse, interroge les deux protagonistes qui ont changé physiquement (donc intérieurement). Pressés de parler d’eux et de leur sexualité, ils se livrent peu, ne disent rien de ce fantasme, expliquent mal leur liaison, mais leurs silences font état d’une cicatrice sentimentale. Pour des regards et des silences aussi «bavards», le choix des acteurs a été judicieux: si l’on découvre un certain chic, une élégance masculine naturelle, une intelligence souvent drôle et fine dans le jeu de Sergi Lopez (Western et La Nouvelle Éve), on réapprend le charme mystérieux et un peu dangereux de Nathalie Baye. «Au scénario, je voulais des acteurs confirmés, explique Fonteyne. Et Nathalie Baye était la seule avec qui je voulais travailler. Elle entrait dans mon univers, une femme à la fois glamour et comme tout le monde.» Baye cisèle ce personnage dont on ne sait rien, mais dont elle nous fait tout deviner. Habile, elle est aussi troublante que facilement troublée.
Le titre de ce film aurait fait peur aux Français, ce qui explique son faible succès dans l’Hexagone. Tant pis pour eux, ils sont passés à côté d’une histoire aussi lucide que drôle; aussi romantique que franche et crue. Fonteyne va renouveler l’expérience avec une histoire de chômeurs belges qui font un film. On a hâte.
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