Ma petite entreprise : Force ouvrière
Cinéma

Ma petite entreprise : Force ouvrière

Huitième long métrage de Pierre Jolivet (l’auteur-caméléon de Force majeure, Simple Mortel et Fred), Ma petite entreprise est une comédie sociale qui évoque le cinéma français du réalisme poétique et du Front populaire.

Lorsque sa menuiserie est dévastée par les flammes, Ivan (Vincent Lindon) voit son avenir et celui de ses employés partir littéralement en fumée. D’autant qu’il découvre peu après que son ami assureur (François Berléan) a détourné l’argent de ses primes et qu’il n’est pas assuré du tout! Alors, pour sauver sa petite entreprise de la faillite, Ivan tente de la renflouer en organisant un casse dérisoire avec son pote assureur, le nouvel ami de son ex (Roschy Zem) et une poignée de perdants assortis. Mais il n’est pas facile de jouer aux voleurs quand on a toujours été un pigeon…
Huitième long métrage de Pierre Jolivet (l’auteur-caméléon de Force majeure, Simple Mortel et Fred), Ma petite entreprise est une comédie sociale qui évoque le cinéma français du réalisme poétique et du Front populaire: même attirance pour la classe ouvrière, les petites combines et un certain optimisme; même mélange de commentaire social et de comédie, de réalisme et de divertissement; même recherche de l’efficacité scénaristique et des mots d’auteurs; même envie d’assembler une distribution homogène et mémorable où chacun (jusqu’au plus petit rôle) a droit à son morceau de bravoure.
Fort bien construit par Jolivet et Simon Michael (l’ex-flic scénariste des Ripoux et de La Totale), le scénario de Ma petite entreprise est presque un modèle du genre (parions que les Américains, qui avaient déjà «refait» Force majeure, achèteront aussi les droits de remake de celui-ci): la machine est bien conçue, bien huilée et tourne rondement, de façon fort agréable et souvent très divertissante.
Le problème (car il y en a malheureusement un), c’est que l’on est toujours conscient du roulement de cette machine, avec ses recettes, ses emprunts, son côté très efficace, mais aussi – il faut bien le dire – assez prévisible. Les amateurs de comédies intelligentes se régaleront sans doute en voyant cette farce solide et bien tournée, sympathique et assez marrante. Mais ceux ui admiraient la manière dont Jolivet (un auteur inégal mais intéressant) s’est souvent plu à tordre le cou aux genres seront peut-être déçus par le côté lisse et sans surprise de cette comédie ronronnante mais classique.
Cool comme la musique de Bashung (dont une des chansons – reprise au générique – donne son titre au film), Ma petite entreprise est une comédie attachante dont le plus grand mérite est de restituer de façon tonique quelque chose de l’air vicié de notre époque. Bien que l’on aurait aimé plus de surprises (comme l’apparition de Catherine Mouchet, la Thérèse de Cavalier, dans un petit rôle étonnant), le film demeure un divertissement intelligent et soigné, crédible et assez drôle. Bref, une petite entreprise qui fonctionne bien même si elle ne révolutionne pas grand-chose.

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VINCENT LINDON

L’homme solide

Rencontré à Paris en janvier, Vincent Lindon a le vent dans les voiles. Le cellulaire à la main et entre deux rendez-vous, le comédien de 40 ans passe en coup de vent pour parler un peu du rôle qui lui a valu une seconde nomination aux César. Un personnage de gars ordinaire mais que Lindon incarne avec une aisance remarquable, comme s’il avait dirigé une petite entreprise de menuiserie toute sa vie. Pierre Jolivet, avec qui il a tourné Fred en 96, a d’ailleurs écrit le rôle pour lui. «J’ai lu 25, 30 pages, et j’ai tout de suite beaucoup aimé. C’est comme les petites annonces dans le journal: il faut que ça accroche. Quand on vous raconte une bonne histoire en 30 pages, il n’y a pas de raisons que les 120 qui suivent ne soient pas bien. Avec un bon scénario, au pire, vous faites un film pas mal.»
Ma petite entreprise est plus qu’un «film pas mal», et Lindon emprunte à Jolivet une jolie formule pour en parler: «C’est un film immoral qui donne le moral. C’est pas manichéen, mais c’est quand même trois mecs qui font un casseavec un môme de 14 ans. Et c’est ça qui est intéressant.» Comédien solide depuis 15 ans, découvert par le grand public dans La Crise, Vincent Lindon a enchaîné, en trois ans, des rôles importants dans Fred, Le 7e Ciel, Paparazzi et L’École de la chair. Un parcours sans faute que le comédien assume avec humilité. «Avec un bon metteur en scène, une bonne histoire et un bon rôle, c’est pas très compliqué d’être bon. Ce qui l’est plus, c’est de les trouver! En huit mois, j’ai refusé 20 films. J’aurais pu en faire 3 ou 4 en me disant: C’est pas terrible, mais je gagne ma vie, et puis en juin, j’ai un grand film. Mais je ne peux pas travailler comme ça: si j’ai un grand film en juin, je vais attendre en juin!» Avec 6 ou 7 projets en tête (un film de Pascal Thomas, et les prochains Serreau, Jacquot et Jolivet), Vincent Lindon mesure le trajet parcouru jusqu’ici avec lucidité. «Au fur et à mesure que les années passent, on apprend a être content de ce qu’on a, on se compare de moins en moins, on supporte davantage les échecs, on digère mieux les succès.» La maturité, quoi.
Éric Fourlanty