

Quasimodo d’El Paris : Rouler sa bosse
«Notre-Dame de Paris, c’est un monument, souligne Patrick Timsit, réalisateur de Quasimodo d’El Paris, rencontré en janvier dernier. Et je voulais m’en servir pour dire qu’on ne vit plus avec nos monstres; pour montrer que l’exclusion, aujourd’hui, c’est le regard des autres; et aussi pour faire un bon film de délire.»
Éric Fourlanty
Avant La Crise, Patrick Timsit était un inconnu au Québec. Monologuiste corrosif et provocateur, il était alors une vedette de la scène qui n’avait tenu que quelques petits rôles au cinéma. Huit ans après le film de Coline Serreau, toute la francophonie connaît la bouille du comédien qu’on a vu, depuis, dans Pédale douce et Paparazzi. Avec Quasimodo d’El Paris, il s’attaque à la réalisation dans cette adaptation délirante du classique d’Hugo, transposée dans une ville qui pourrait être la capitale française, et à une époque qui pourrait être après-demain. Petit garçon difforme, Quasimodo est échangé par ses parents (Axelle Abbadie et Didier Flamand) contre une gamine de la rue, mignonne comme tout. Quelques années plus tard, le carillonneur bossu (Timsit) est accusé par le commissaire Phoebus (Vincent Elbaz) de meurtres crapuleux, il tombe amoureux d’Esméralda (Mélanie Thierry) et se rebelle contre Frollo (Richard Berry), l’abbé intégriste qui l’a recueilli, et l’aime d’un amour possessif.
De la Bête éprise de la Belle au combat entre le Bien et le Mal, sur la terre comme au ciel, tout y est dans cette fable «hénaurme» qui reprend plusieurs éléments du roman que d’autres versions ont laissés de côté. «Notre-Dame de P aris, c’est un monument, souligne Patrick Timsit, rencontré en janvier dernier, et je voulais m’en servir pour dire qu’on ne vit plus avec nos monstres; pour montrer que l’exclusion, aujourd’hui, c’est le regard des autres; et aussi pour faire un bon film de délire.» En verve malgré l’heure matinale, Timsit explique et défend son film avec enthousiasme dans le bureau de son appartement de Montmartre. «C’était important de situer le film dans une ville quasi imaginaire, parce qu’en montrant l’exclusion, la pauvreté et la différence à Paris, aujourd’hui, j’aurais eu du mal à trouver la comédie. Il fallait un recul, en laissant au public le choix de faire le lien, ou pas, avec la réalité. Pour moi, la réflexion appartient au spectateur. Je n’aipas à lui dire ce qu’il doit penser.»
Dommage que le résultat ne soit pas à la hauteur des intentions de son créateur. Si Quasimodo d’El Paris avait l’intelligence et la sensibilité de l’homme, on aurait un beau film. Ceci dit, il en a la générosité et le bagout. On y trouve quelques répliques d’anthologie, certains anachronismes efficaces, et la plupart des comédiens sont excellents, principalement Berry, dont on se demande pourquoi il n’a pas incarné plus tôt ce rôle taillé sur mesure. «C’est un comédien fabuleux, mais qui est sous-utilisé en comédie. Et c’est dommage parce que Berry, c’est Jouvet, c’est Ventura, c’est le mec qu’il ne faut pas faire chier, sinon, attention les dégâts!» Mais l’ensemble pèche par excès, malmené par des ruptures de ton artificielles, poussé par un rythme qui privilégie l’impact immédiat plutôt que le souffle. Timsit, de son côté, assume pleinement son statut de réalisateur. «Ce qui est extraordinaire, c’est de pouvoir raconter son histoire. On se dit: je ne sais pas si ce sera un bon film, mais ce sera le mien.»
Sourire en coin et l’oeil allumé, Timsit lance: «Quand on me demande pourquoi j’ai fait ce film, je réponds: pour avoir la cassette!» Au-delà de la boutade, on sent une vraie passion du cinéma, art populaire dans le sens le plus noble du terme. Maladroite dans Quasimodo d’El Paris, on espère qu’elle teintera avec plus de doigté les films à venir du comédien («une comédie d’Alain Corneau avec Thierry Lhermitte») et du cinéaste, qui écrit un road-movie sur deux frères qui cherchent un foie pour une greffe. «C’est une comédie que j’ai en tête depuis des années, mais l’actualité devance souvent les films: Lady Di est morte juste avant le tournage de Paparazzi; Plamondon répétait son spectacle pendant qu’on tournait Quasimodo; et là, qui sait s’il ne va pas y avoir un scandale de greffes d’organes!»
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