

Rules of Engagement : Non-lieu
Ancien wonder boy (The French Connection, The Exorcist), William Friedkin est devenu un artisan ayant du métier, mais qui, en chemin, a perdu bien des plumes. Ici, on sent qu’il tente d’insuffler un peu de vie et de complexité à une histoire mille fois rabâchée: Rules of Engagement.
Éric Fourlanty
Envoyé au Yémen, en 1996, pour évacuer l’ambassadeur américain (Ben Kingsley), un colonel des Marines (Samuel L. Jackson) fait ouvrir le feu sur une foule de manifestants, tuant 83 hommes, femmes et enfants. Avec pour avocat un vieil ami (Tommy Lee Jones), colonel à la retraite à qui il a sauvé la vie au Viet Nâm, le bouc émissaire est traduit en cour martiale pour n’avoir pas «suivi les règles». Le militaire de carrière a-t-il perdu les pédales ou a-t-il protégé ses soldats, après que trois d’entre eux eurent apparemment été tués par des tireurs embusqués? La foule était-elle armée? Comment se fait-il que le conseiller de la Maison-Blanche n’ait plus les images des caméras de sécurité de l’ambassade yéménite?
Ancien wonder boy (The French Connection, The Exorcist), William Friedkin est devenu un artisan ayant du métier, mais qui, en chemin, a perdu bien des plumes. Ici, on sent qu’il tente d’insuffler un peu de vie et de complexité à cette histoire mille fois rabâchée: la scène d’ouverture, dans la jungle vietnamienne, évoque celle de Saving Private Ryan, et quelques échanges entre les deux vedettes donnent un aperçu de ce qui aurait pu être un fabuleux duo d’acteurs. Mais ces touches nerveuses, ces moments déstabilisants sont noyés dans une intrigue totalement prévisible, où se multiplient les passages obligés: la femme de l’ambassadeur tiraillée entre la vérité et la protection de sa famille, les plaidoiries d’avocats, l’ancien alcoolique qui rechute puis se ressaisit, l’accusé qui pète les plombs devant le jury, etc.
On ne s’attend pas à ce que le héros annoncé n’en soit pas un; mais, très tôt dans le film, on sait que l’accusé est innocent. Pas terrible comme suspense. De plus, face au charisme de Jackson et de Jones (excellents, dans les limites de ce qu’on leur donne à jouer), Friedkin leur oppose deux comédiens valables (Bruce Greenwood et Guy Pearce), mais qui ont l’air de gamins jouant aux adultes. Pas terrible comme confrontation.
Film de guerre se trasformant rapidement en drame judiciaire, Rules of Engagement est un pensum moralisateur sur le mariage de raison entre l’armée américaine et la Maison-Blanche: l’une, pure et loyale; l’autre, corrompue et cynique. Bref, un film de plus pour faire augmenter le budget du Pentagone…
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