The Big Kahuna : les maux du mâle
De Mort d’un commis voyageur à Glengarry Glen Ross, le théâtre a souvent fait du vendeur le personnage idéal pour explorer les doutes, les angoisses et les rêves déçus d’un certain type de mâle américain. The Big Kahuna, premier long métrage de John Swanbeck, s’inscrit très bien (trop bien, d’ailleurs) dans cette tradition théâtrale…
De Mort d’un commis voyageur à Glengarry Glen Ross, le théâtre a souvent fait du vendeur le personnage idéal pour explorer les doutes, les angoisses et les rêves déçus d’un certain type de mâle américain. The Big Kahuna, premier long métrage de John Swanbeck, s’inscrit très bien (trop bien, d’ailleurs) dans cette tradition théâtrale…
Basé sur une pièce de Roger Rueff, intitulée Hospitality Suite, le film se déroule presque entièrement dans une petite suite d’hôtel où sont enfermés trois vendeurs qui représentent chacun (de manière un peu trop évidente) une facette du mâle américain: Larry (Kevin Spacey), un homme d’affaires venu avec ses deux acolytes tenter de vendre à un «gros poisson» (le Big Kahuna du titre) une ligne de lubrifiants industriels; son ami Phil (Danny DeVito), récemment divorcé, au bout du rouleau et qui songe au suicide en feuilletant Penthouse; et Bob (Peter Facinelli), un jeune marié candide et dévot, dont la naïveté et les convictions religieuses feront exploser un drame entre les trois hommes.
D’emblée, on se sent en terrain connu entre les quatre murs de ce huis clos qui évoque, en mineur, Hurlyburly et Glengarry Glen Ross (dont les adaptations cinématographiques mettaient incidemment toutes deux en vedette Kevin Spacey): mêmes questionnements sur la virilité, les affaires et la solidarité masculine; même mélange de dialogues acerbes et de confidences entre hommes aux pulsions refoulées et violentes; même mise en scène efficace mais discrète, entièrement au service du verbe et des interprètes.
Pourtant, on se rend vite compte que quelque chose ne va pas: tout ce qui est supposé être refoulé est en fait ouvertement discuté (nos vendeurs de lubrifiants se mettent à parler de Dieu, de la vie et de la mort); tout ce qui est censé être subconscient est pleinement assumé (DeVito demande carrément à Spacey s’il l’aime véritablement!); et tout ce qui est normalement laissé sans réponse se résout ici en un happy end consternant (le personnages se quittent en souriant sur une chanson aux paroles éloquentes!). Bref, on a l’impression que ces hommes, censément durs, peu loquaces et repliés sur eux-mêmes, sont un peu trop tendres, bavards et ouverts. Le résultat est un film agréable mais ultimement décevant, qui – malgré le brio de ses interprètes – ressemble à un Glengarry Glen Ross réécrit par Guy Corneau et Janette Bertrand. De quoi vous rendre nostalgique de l’époque où les hommes étaient incapables de discuter de leurs émotions…
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