The Virgin Suicides : À bout de souffle
Cinéma

The Virgin Suicides : À bout de souffle

Il suffit parfois d’une voix morne, infiniment triste; d’une caméra qui plane en douceur sur des maisons de banlieue, comme un ange, et d’une musique électronique vaguement inquiétante (Air) pour tout laisser au vestiaire et sauter à pieds joints dans une histoire.

Il suffit parfois d’une voix morne, infiniment triste; d’une caméra qui plane en douceur sur des maisons de banlieue, comme un ange, et d’une musique électronique vaguement inquiétante (Air) pour tout laisser au vestiaire et sauter à pieds joints dans une histoire. Le titre de celle-ci se dessine et se multiplie sur l’écran comme sur une page de cahier d’adolescente: The Virgin Suicides. À la réalisation, et pour un premier long métrage: Sofia Coppola, actrice, artiste et fille de l’Illustre.
En lisant The Virgin Suicides de Jeffrey Eugenides, Miss Coppola a, paraît-il, tout de suite su ce qu’elle voulait en faire. Ses idées quant à la mise en scène de ce drame étaient si claires qu’on se retrouve devant une oeuvre légère et maîtrisée, un travail souple et retenu. Et il le fallait pour raconter une histoire qui est à la fois un drame horrible, une bluette pour adolescents, un poème en prose sur un âge critique et un portrait peu reluisant de la répression familiale dans les années 70: dans une banlieue tranquille, un groupe d’adolescents est obsédé par les cinq soeurs Lisbon — Thérèse (Leslie Hayman), Mary (A.J. Cook), Bonnie (Chelse Swain), Lux (Kirsten Dunst) et Cécilia (Hanna Hall). Sous la main de fer d’une mère dévote et d’un père mou (excellents James Woods et Kathleen Turner), ces beautés blondes n’ont pas droit au réveil du flower power, et toutes les cinq choisissent la voie du suicide.
Dès le début, on connaît la fin. Et l’écueil était de nous perdre dans le voyage. Coppola filme en équilibriste et passe avec doigté de l’étrange (scènes d’hallucinations rêveuses après le premier suicide) au romantique (soupirs devant le tombeur de service, Josh Hartnett) en passant par l’absurde (déjà l’acharnement médiatique); et de la peinture de moments délicats au drame si douloureux qu’il engourdit (la gêne d’un premier party dans la cave qui s’achève par la mort).
Ce film séduit par un style éthéré et respectueux, et Coppolalaisse une certaine distance, toujours émouvante, entre les personnages et la caméra: impossible de ressentir toute la souffrance, on ne peut qu’effleurer le malheur des autres. Un état de grâce généralisé qui rappelle l’étrangeté de Picnic at Hanging Rock. Et, grand bonheur, elle n’explique rien: ni les causes de ce drame, ni l’insolente féminité d’une fille, ni le fatalisme du garçon qui sait qu’il aura toujours, devant ces chrysalides, quelques longueurs de retard…

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