Le Derrière- Valérie Lemercier : La fesse légère
Rencontrée à Paris cet hiver, Valérie Lemercier, qu’on connaît ici sous les traits de la Béa des Visiteurs, présente son second film: Le Derrière, traitement burlesque d’un sujet grave.
Il y a quelques années, au Festival Juste pour rire, Valérie Lemercier a donné devant une salle quasi vide un spectacle joué plus de 300 fois à Paris. «C’étaient des gens d’Air Canada, à qui on avait donné des billets, et qui pensaient venir voir Claudine Mercier! Peu à peu, ils sont tous partis! C’est certainement la pire chose qui me soit arrivée sur scène. Heureusement, le lendemain, c’était un public payant, qui avait choisi de venir, et ça a très bien marché.»
Rencontrée à Paris cet hiver, celle qu’on connaît ici sous les traits de la Béa des Visiteurs en rigole maintenant, mais «c’est pas parce qu’on rit que c’est drôle…». Et il y a un peu de ça dans Le Derrière, second film, après Quadrille, inspiré de Guitry, réalisé et écrit par l’humoriste. Sujet grave et traitement burlesque pour cette histoire loufoque d’une jeune fille (Lemercier) qui, à la mort de sa mère qui l’a élevée seule, se fait passer pour un jeune gai fofolle, afin de renouer contact avec son père (Claude Rich), directeur de galerie gauche-caviar, vivant depuis de nombreuses années avec son amant (Dieudonné). Sujet culotté que la cinéaste de 36 ans aborde avec humour et doigté. «Pour moi, ce n’est pas un film sur l’homosexualité, mais sur le besoin de trouver sa place. Que ce soit celle des femmes dans la vie des homosexuels, ou celle d’une provinciale, comme mon personnage, qui débarque à Paris. Ça m’amusait aussi de casser certains clichés sur les homosexuels: si Pierre Bergé croise un garçon coiffeur, je suis sûre qu’il n’a pas envie qu’on le mette dans le même sac!» Malgré certaines situations limites, potentiellement scabreuses, Valérie Lemercier ne force jamais la note, gardant le cap sur un ton réaliste. «Il fallait trouver un équilibre, ce qui était difficile, mais aussi très satisfaisant. Le film ressemble beaucoup à ce que j’avais en tête au départ.» Cette réussite vient, bien sûr, du scénario et des dialogues, mais aussi de la qualité de l’interprétation. Lemercier, Rich, Dieudonné et Marthe Keler (excellente en amie du couple) ne jouent jamais pour faire rire, privilégiant la vérité de personnages aux prises avec des situations qui, montrées autrement, auraient pu être dramatiques. «Si je donnais mes textes au directeur du théâtre où je joue, il serait affligé! raconte Valérie Lemercier. Tout est dans la façon de les faire passer. Il faut que ce soit juste et sincère.»
La musique du générique, signée Henry Mancini («Un morceau trouvé sur une compilation japonaise!»), donne d’emblée la couleur de ce film souvent drôle et parfois touchant. Comédie légère, comme pouvait l’être Le Distrait, Le Derrière a un ton bien à lui, entre Tati et Oury; mais parcouru toutefois, en filigrane, d’une mélancolie légère et élégante, qui évoque celle d’un Mastroianni.
«Je n’aime pas les choses mièvres», lance la cinéaste. Avec une idée de film sur la dépression nerveuse («Ça m’amuserait beaucoup de pouvoir rire de ça, ce serait salutaire!»), et une rentrée sur scène, à l’automne, aux Folies-Bergère, on ne pourra pas la taxer de mièvrerie. Il ne nous reste plus qu’à espérer que son spectacle se rende jusqu’ici…
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