Le Rêve d’Alonso : Les derniers humains
Depuis 1982, Danièle Lacourse et Yvan Patry ont coréalisé des films dans lesquels, fidèles à une tradition de documentaire engagé à dimension humaine, ils donnent la parole à ceux qui ne l’ont pas: Le Rêve d’Alonso expose avec pudeur, mais sans détour, la force passive d’un peuple aux abois.
Depuis 1982, Danièle Lacourse et Yvan Patry ont coréalisé des films dans lesquels, fidèles à une tradition de documentaire engagé à dimension humaine, ils donnent la parole à ceux qui ne l’ont pas. Nicaragua, Érythrée, Éthiopie, Salvador, Rwanda sont autant de pays déchirés sur lesquels ils ont braqué leurs caméras. Ils y ont porté un regard lucide et plein de compassion, examinant sans sentimentalité des situations complexes, comme dans Chronique d’un génocide annoncé, document puissant sur l’horreur rwandaise.
Le Rêve d’Alonso témoigne du drame des paysans tzotzils, coincés entre le gouvernement mexicain, qui voit en eux des alliés naturels des zapatistes, et ces derniers, auxquels les Tzotzils refusent une alliance aveugle. Prônant la non-violence, ces ardents défenseurs de la culture maya sont littéralement pris en otages par deux camps qui s’opposent. Leader catéchiste, Alonso est un de ces 10 000 «déplacés», villageois des montagnes, chassés par les groupes paramilitaires qui, dans le village d’Acteal, en 1997, massacrèrent 45 personnes, surtout des femmes et des enfants, en train de jeûner pour la paix.
La beauté du film de Danièle Lacourse et d’Yvan Patry réside dans la confiance que les cinéastes ont suscitée chez les Tzotzils. Loin d’un discours politique ou d’une folklorisation exotique, Le Rêve d’Alonso expose avec pudeur, mais sans détour, la force passive d’un peuple aux abois. Il faut voir avec quelle dignité farouche les femmes sont aux premières lignes pour bloquer l’accès de leur village aux soldats de l’armée mexicaine, officiellement venus les protéger des rebelles. Il faut voir Alonso expliquer qu’il est retourné dans son village, malgré le danger, pour y chercher ses enfants, sa femme (qui a perdu presque toute sa famille dans le massacre d’Acteal) et 330 villageois. Ce père de famille tranquille n’est pas un superhéros, mais il incarne bien la résistance têtue qui habite son peuple.
Dernière collaboration entre Danièle Lacourse e Yvan Patry (décédé en octobre dernier), Le Rêve d’Alonso est un document sobre et émouvant sur quelques humains qui se tiennent encore debout…
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