Pan Tadeusz : Chant d’honneur
Cyrano pour la France, Oliver Twist pour l’Angleterre, Don Quichotte pour l’Espagne, Le Survenant pour le Québec: chaque pays a ses livres-symboles, chaque peuple, ses oeuvres cristallisant les mythes fondateurs de sa culture. En Pologne, il s’agit de Pan Tadeusz, un poème épique écrit en 1834 par Adam Mickiewicz, alors en exil à Paris.
Cyrano pour la France, Oliver Twist pour l’Angleterre, Don Quichotte pour l’Espagne, Le Survenant pour le Québec: chaque pays a ses livres-symboles, chaque peuple, ses oeuvres cristallisant les mythes fondateurs de sa culture. En Pologne, il s’agit de Pan Tadeusz, un poème épique écrit en 1834 par Adam Mickiewicz, alors en exil à Paris. L’auteur y célèbre la beauté des paysages polonais, la richesse des traditions, et un patriotisme vibrant, éprouvé par le joug russe qui démantela la Pologne, jusque-là unie à la Lituanie depuis 400 ans. L’avancée des soldats de Napoléon raviva le nationalisme polonais, ces derniers s’enrôlant par milliers dans l’armée napoléonienne afin de combattre les Russes. Pan Tadeusz retrace l’été qui précéda le coup d’État raté de 1830, sa douceur de vivre et l’exaltation qui s’ensuivit.
Revenant au domaine de son oncle après des études en ville, le fringant Tadeusz (Michal Zebrowski) se trouve mêlé à diverses intrigues sentimentales, familiales et politiques. Le jeune homme a une liaison avec sa tante (Grazyna Szapolowska), mais tombera amoureux de sa fille (Alicja Bachleda-Curus); son père (Boguslaw Linda), dont il ignore l’identité, fomente la révolte, caché sous une bure de moine; et les familles voisines des Soplica et des Horeszko se battent pour un château, tenu par un cerbère exalté (Daniel Olbrychski). L’été bat son plein à l’ombre des jeunes filles en fleur, les banquets se succèdent et les amours s’entrecroisent, mais la guerre approche à grands pas, la colère et la vengeance grondent, et notre Candide gagnera en sagesse ce qu’il aura perdu en innocence…
À 74 ans, Andrzej Wajda s’attaque donc à cette première adaptation cinématographique du célèbre ouvrage, deux heures et demie d’âme polonaise avec envolées lyriques et repas bien arrosés, discussions véhémentes et bagarres générales, campagne bucolique et villages pimpants, larmes de rage et serments d’amour à la clé. À l’exception des festivals, quand a-t-on eu, por la dernière fois, l’occasion de voir en salle un film de ce cinéaste majeur (Cendres et Diamants, L’Homme de marbre, Danton), récemment honoré d’un Oscar (mieux vaut tard que jamais…)? Faudrait-il remonter aux Possédés, en 87? Ne serait-ce que pour cette raison, Pan Tadeusz vaut le détour. Mais aussi parce qu’on y trouve un autre rythme, un autre souffle que ceux qui animent 90 % des films qu’on peut voir actuellement. Une assurance tranquille, un souci du détail autant que de la fresque donnent vie à ce récit qui aurait pu être plus déroutant. En effet, si le contexte historique est quelquefois nébuleux pour nous, spectateurs nord-américains peu au fait de l’histoire polonaise, Wajda nous rattrape avec un style limpide. Malheureusement, la beauté des vers de Mickiewicz ne passe pas la barrière de la langue, et les sous-titres anglais n’aident pas…
Superbement filmé, cadré avec précision par Pawel Edelman, et appuyé par la très belle musique de Wojciech Kilar, Pan Tadeusz est plus proche des Demoiselles de Wilko que de L’Homme de fer, Wajda délaissant un cinéma politique qui, aujourd’hui, pour lui, semble avoir moins d’urgence. Mais ce long poème visuel, qui évoque parfois Soleil trompeur de Mikhalkov, s’inscrit parfaitement dans l’oeuvre du cinéaste, indissociable de l’histoire polonaise, présente ou passée.
À l’Impérial, les 17 et 18 juin
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