Shaft : Le bon, la brute et l’impuissant
Au cas où vous ne le sauriez pas, John Shaft est de retour. Et cumule les entrées au box-office. Samuel L. Jackson endosse la peau du célèbre détective du Bronx et des environs. Il est grossier, intelligent, viril et relax.
Au cas où vous ne le sauriez pas, John Shaft est de retour. Et cumule les entrées au box-office. Samuel L. Jackson endosse la peau du célèbre détective du Bronx et des environs. Il est grossier, intelligent, viril et relax. En 1971, Shaft est devenu l’idole, le Black le plus cool qui soit (tellement cool qu’il a fallu penser une version blanche et Dirty Harry est né). 30 ans plus tard, John Singleton (Boyz ‘N’ The Hood) a voulu s’y frotter: Richard Roundtree, le détective première mouture, est un tonton bon conseiller; John, son neveu, ne pardonne pas à un jeune WASP raciste (Christian Bale, aussi malade que dans American Psycho) d’avoir battu à mort un jeune Noir. Avec l’aide du témoin oculaire (Tonie Collette, paniquée), d’un pote rasta (Busta Rhymes, rappeur de son état) et d’une dévouée partenaire (Vanessa Williams), il traque le blanc-bec qui a mis sur sa route un caïd dominicain appelé Peoples (excellent Jeffrey Wright) et deux ripoux (Dan Hedaya et Ruben Santiago-Hudson).
Autres temps, autres moeurs. Et deux questions: Shaft est-il soluble dans le New York aseptisé de Giuliani? Et Shaft a-t-il un gros kiki? Dans les deux cas, ça coince; mais ça n’en fait pas un mauvais film pour autant. Aidé par la funk diablement bonne d’Isaac Hayes, Shaft se laisse regarder comme un super feuilleton télé. Sans effets spéciaux, mais avec assez de dynamisme dans les cadrages dramatiques, un montage chasse-ennui, des personnages sympathiques et quelques poursuites: voici un film policier acceptable qu’on qualifierait presque de rétro!
Or, s’il est certes mieux construit que l’original, 30 ans ont cependant passé. Et, pas de chance pour Singleton, son Shaft débarque dans l’ère de la rectitude. Un flic qui tire sur tout ce qui bouge et qui flanque des raclées selon ses humeurs est une bombe incontrôlable dans le New York de Giuliani. Et ce n’est pas un clin d’oeil (gilet pare-balles à l’effigie du maire porté par Williams) ui va rendre plausible un tel démon dans les forces policières de la ville! Sa stature héroïque et son côté cow-boy hargneux en font plus une icône qu’un vrai flic. Entre L’Homme invisible, John Wayne et Robocop, le Shaft de Jackson n’est pas collé au réel. D’autant plus frappant qu’il est entouré de personnages souvent justes (excepté Vanessa Williams, inconsistante): Bale est parfait en fils à papa singulièrement violent et Wright (Basquiat), grandiose en Latino aussi fou que débonnaire. Tous vivent à l’heure de New York; mais Shaft traverse la ville comme un superhéros échappé de Matrix, avec les pans de sa redingote en cuir italien qui volent et son crâne qui brille comme une boule de billard…
Enfin, la chose est certaine: nous ne sommes plus des beatniks. John Shaft ne peut plus pincer les fesses des filles et en culbuter une demi-douzaine par semaine. Si cela se fait encore, cela ne se montre plus, sauf dans South Park. Singleton aurait orchestré un tournage, paraît-il, très houleux, plus proche du scénario original que de la chose proprette dont il a accouché. Shaft, still the man… mon oeil. Pas de sexe, pas de romance, pas de délinquance. C’est la diète: faut bosser et lutter contre le racisme. Tu parles d’une rigolade…
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