Blood Simple : Sang dessus dessous
Il est toujours intéressant, et dans ce cas-ci très jouissif, de revoir les débuts de cinéastes confirmés. Quinze ans après sa sortie en salle, Blood Simple, le premier film de Joel et Ethan Coen (Fargo, Barton Fink, Raising Arizona), revient dans une version améliorée.
Il est toujours intéressant, et dans ce cas-ci très jouissif, de revoir les débuts de cinéastes confirmés. Quinze ans après sa sortie en salle, Blood Simple, le premier film de Joel et Ethan Coen (Fargo, Barton Fink, Raising Arizona), revient dans une version améliorée – copie neuve, son stéréophonique, et, contrairement aux director’s cut habituelles, avec quelques minutes en moins! En effet, les deux frères ont légèrement raccourci la version originale; et ajouté un mot d’introduction de Mortimer Young, restaurateur en chef, vieux monsieur digne qui présente le film – fauteuil de cuir, bibliothèque garnie, pipe au bec et sablier renversé – avec un charme suranné, mêlant la roublardise bonhomme d’Hitchcock à l’élégance inquiétante de Vincent Price.
Quand il apprend que sa femme (Frances McDormand) le trompe avec un cow-boy de pacotille (John Getz), un riche propriétaire de bar (Dan Hedaya) engage un détective (M. Emmet Walsh) afin d’éliminer les amoureux. Ce point de départ plutôt banal sert de détonateur à une intrigue labyrinthique où la paranoïa, la jalousie, et la difficulté de faire disparaître un cadavre récalcitrant tiendront la vedette.
Hommage à peine voilé au cinéma d’Hitchcock, Blood Simple fait dans la fausse simplicité. Malgré les détours et circonvolutions que lui imposent les Coen, l’intrigue de base est plutôt linéaire; bien que les comédiens soient excellents (M. Emmet Walsh, visqueux à souhait; et Frances McDormand, dont c’étaient les débuts au cinéma), on n’assiste à aucun numéro d’acteur; et la manière Coen (trouvailles visuelles et caméra en folie, dont ils abuseront parfois plus tard, comme dans The Hudsucker Proxy) est relativement sobre.
Ce qui ressort des débuts des deux frères, ce sont leurs grandes qualités de scénaristes et de dialoguistes. Filmé avec efficacité et style, Blood Simple est tout d’abord un suspense au rythme lancinant: les pièces du casse-tête s’emboîtent sans précipitation; le spectteur a toujours une légère longueur d’avance sur les protagonistes, mais ne sait jamais ce qui va se passer; et les dialogues ont l’apparence du réalisme, tout en dégageant une étrangeté qui imprègne tout le film.
Cinéphiles ayant travaillé sur des films de séries B, les Coen sont parvenus, dès leur premier essai, à planter les jalons de leur univers: virtuosité formelle, humour noir, précision du scénario, et bande-son très travaillée (ici magnifiquement mise en valeur par la restauration). Un premier film comme on aimerait en voir plus souvent…
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