Fantasia : Le grand délire

Dans un flux constant, les fans ont pris d’assaut le cinéma Impérial pour faire main basse sur leur exemplaire de la programmation de Fantasia. Les plus critiques ont constaté que, pour sa cinquième édition, le festival du film de genre a ficelé une sélection moins costaude que celle de l’année dernière, mais qui recèle son lot de promesses. Bon point: à part quelques clins d’oeil rétro, les films sont tous des oeuvres très récentes. Première semaine tranquille, donc, mais avec quelques perles.

Impossible de passer sous silence l’oeuvre de Johnnie To (The Big Heat), réalisateur vedette de Hong-Kong, qui faisait déjà les beaux jours de Fantasia l’année dernière. Cette année, To, un réalisateur qui filme plus vite que son ombre, est à l’honneur avec deux films (dont Running out of Time, film très attendu avec la star invitée du festival, Lau Ching-Wan). On peut déjà voir cette semaine The Mission, un des rares films de Hong-Kong qui sortira à Paris, cet hiver; et une oeuvre que les festivals s’arrachent. Que les inconditionnels trépignent donc d’impatience: ils ne seront pas déçus. The Mission, sorte de polar musclé, s’offre comme un accomplissement de l’esthétique du cinéma de Hong-Kong, fait de beaucoup de silence, de ralentis et de non-dits. Mais histoire de mafia oblige, toutes les raisons sont bonnes pour dégainer son arme et vider ses cartouches. Malgré la violence de certaines scènes, on se laisse séduire par la chorégraphie des fusillades. Avec ce film, Johnnie To a remporté les «Oscars» de Hong-Kong, en tant que meilleur réalisateur.

La section Hong-Kong est assez forte et surtout variée, puisqu’on accueille aussi le très beau film de Wilson Yip, Juliet in Love. Tout en évitant les mièvreries sentimentales et le mélo asiatique parfois pesant, le réalisateur fait la chronique d’une tranche de vie: la rencontre d’une femme meurtrie par le destin et d’un homme aux occupations louches mais aux sentiments sincères.

Pour ceux qui veulent savir ce qui peut choquer le public en Corée, il faut s’asseoir et regarder Lies, de Jang Sun-Woo. Adapté d’un texte de Jang Jung, ce film relate l’histoire de rencontres uniquement sexuelles et de plus en plus violentes entre un homme qui ne déteste pas fouetter ses partenaires et une collégienne qui brûle de tout savoir. On nage en pleine thématique de la passion érotique qui vire en obsession sadomasochiste. Ceux qui pensaient réviser en toute quiétude leur Kama Sutra devront se raviser: captés par une caméra épaule, on regarde surtout des acteurs nerveux (tous deux novices) qui accumulent les parties de jambes en l’air dans une ambiance froide et non communicative.

Des marionnettes? Ça repose. Avec The Legend of the Sacred Stone, le Taiwanais Chris Huang offre tout un spectacle avec ses Sentinelles de l’air asiatiques, toutes parties à la recherche d’une pierre magique, et qui ne demandent pas mieux que d’afficher leurs prouesses en arts martiaux. Elles traversent l’écran à vive allure, plus souvent en l’air que par terre, épées au poing et pans de kimonos virevoltants. C’est très bien: on ne voit pas les fils. Et on sent surtout un savoir-faire plein de finesse dans l’art de coupler effets spéciaux et maniements de poupées. Esthétiquement, c’est un régal.

Enfin, dans le genre coup de blues assuré: Wisconsin Death Trip, du Britannique James Marsh. En 1973, Michael Lesy a écrit un livre terrifiant, Wisconsin Death Trip, qui relate les faits et gestes des habitants d’une petite ville de l’État américain au tournant du siècle dernier. En pleine dépression, la bourgade subit une série de meurtres, de suicides, de crimes en tous genres, de crises de folie et d’épidémies. Marsh reproduit fidèlement cette accumulation sordide de faits divers, d’actualités reconstituées, comme tirées de la section chiens écrasés d’un Journal de Montréal d’époque. De son cru, il a ajouté une poésie infiniment triste et souvent étrange. Ce film inquiétant plonge ssurément le spectateur dans une crise de perplexité inconsolable…

À ne pas manquer: The Independent, de Stephen Kessler. Ce film brosse le portrait de Jerry Stiller, maître de la série B. Bien sûr, tous les détours sont bons pour montrer des extraits de ses films, oeuvres dont il vaut mieux rire, sinon on en pleurerait. C’est aussi l’occasion pour Janeane Garofalo, Ben Stiller (le fils de l’autre), Ron Howard, Nick Cassavetes et monsieur Sex Pistols, John Lydon, de s’amuser ferme. On y voit une très sexy fée du suicide assisté, des nains surfeurs et des motards écologistes…

Pour les accros des Monty Python; jeudi soir, c’est la soirée délire, avec un hommage rendu à Terry Jones: An Evening with Mr. Creosote. Dans le genre film français parachuté dans le décor, André le magnifique, d’Emmanuel Silvestre et Thibault Staib, est surtout valable pour le gentil simplet que joue Michel Vuillermoz. Et enfin, les psychotroniques avertis le savent, il est impossible de rater les aventures de l’inénarrable Godzilla. Comme toujours de mauvaise humeur, ce dernier revient dans une copie neuve d’un film de 65, Invasion of the Astro Monster. Hormis le combat risible de grosses bibittes se crachant feu et rayons fluorescents à la figure, Godzilla exécute aussi un petit numéro de danse!

À suivre la semaine prochaine, coups de coeur et déceptions d’un festival pas comme les autres.

Au cinéma Impérial
du 13 au 31 juillet
www.fantasiafest.com