Not of This World : Le sens de la vie
Les films qui font vibrer autant de cordes sont des monstres d’émotion à manipuler avec doigté. Après Sonate d’automne, et même Todo sobre mi madre, la fibre maternelle est particulièrement délicate. Piccioni a imaginé une histoire touffue qui lui permet de morceller tout ce pathos, et de rendre la pizza relativement digeste.
L’amour païen et l’amour de Dieu, la force du choix et l’indécision, le poids de la solitude et l’amour maternel: fallait quand même avoir les reins solides pour oser traiter autant de sujets massifs à l’intérieur d’un même film. Le réalisateur italien Giuseppe Piccioni s’est lancé avec Fuori dal Mondo (Not of This World), qui a remporté les prix les plus prestigieux aux Oscars italiens et le Prix du jury au dernier FFM. On y raconte l’histoire d’une nonne, Caterina (Margherita Buy), qui, à quelques mois de prononcer ses voeux définitifs, trouve un nourrisson abandonné dans un parc. Troublée, elle l’emmène à l’hôpital, mais veut retrouver la mère. Son enquête la conduit à Ernesto (Silvio Orlando, le pâtissier dansant d’Aprile), patron d’un nettoyeur. L’homme aigri est peut-être le père de l’enfant. Soeur Caterina remet tout en question, à deux doigts de craquer pour le bébé, mais aussi pour l’homme.
Les films qui font vibrer autant de cordes sont des monstres d’émotion à manipuler avec doigté. Après Sonate d’automne, et même Todo sobre mi madre, la fibre maternelle est particulièrement délicate. Piccioni a imaginé une histoire touffue qui lui permet de morceller tout ce pathos, et de rendre la pizza relativement digeste. Dans la grisaille de Milan, on embarque dans le film par trois personnages, apparemment sans lien entre eux: une soeur en prière, un proprio de nettoyeur affairé dans son magasin et une jeune fille (Carolina Freschi) quittant la maison familiale. Mais dès le début, les fils des pantins manquent de finesse. Dans ces trois scènes s’établissent les règles du jeu: la soeur écoute la mère supérieure rappeler la tâche de celles qui prennent le voile; le proprio, d’un air courroucé, égrène ses directives devant ses employées; et la jeune fille vide sa chambre sous le bavardage malhabile et accablant d’une mère nerveuse. Trois credo pour la religion, le travail et la famille. Les protagonistes sont ainsi lancés dans la ville, avec leurs cartes en main. Pourquoi et omment leurs chemins vont-ils se croiser? On va le savoir un peu trop vite, et des coïncidences lelouchiennes sont à craindre. Mais Not of This World serait comme un bon Lelouch, un film humble qui prêche l’empathie et qui ne serait avare ni d’émotions ni de moments élégants. Mis à part une moralité prêchi-prêcha (et tout à fait d’actualité en Italie, où la prise du voile connaît un certain regain), une musique sirupeuse, et la symbolique du vêtement et de l’uniforme qui englue tous le monde, on peut se laisser prendre. Margherita Buy a l’émotion à fleur de peau, et Silvio Orlando, avec sa gueule infiniment triste, donne avec talent du relief à cet homme ordinaire, souffrant de sa banalité. Des photos de groupe viennent parfois s’intercaler entre les scènes, pour prendre le pouls des personnages et situer l’évolution de leurs sentiments dans l’histoire. Mais ces photos sont aussi des instantanés d’individus forcés au regroupement pour ne pas crever de solitude. Seuls en société, ne sommes-nous pas tous «hors de ce monde»? Il fallait bien un grand drame universel pour chapeauter le tout.
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