Festival des Films du Monde : De premier choix
Cinéma

Festival des Films du Monde : De premier choix

A l’aube du 24e FFM, on a l’oeil sur une vingtaine de films. Avant d’ètre gourmands, soyons donc gourmets. Servons-nous, le buffet est ouvert…

Le Goût des autres

Le film d’ouverture, celui que l’on attend comme une promesse. Ce film d’auteur qui a battu des records au box-office français est la première réalisation d’Agnès Jaoui, film coscénarisé par Jean-Pierre Bacri. Deux noms qui valent de l’or. Après Cuisines et Dépendances, Smoking No Smoking, Un air de famille et On connaît la chanson, le tandem d’auteurs le plus coté de l’Hexagone – choyé par le public et les critiques – conserve intact ce talent incroyable pour faire valser les détails de la vie.
L’histoire irracontable du Goût des autres suit les liens qui se tissent parfois entre des personnages de milieux différents: un chef d’entreprise rencontre une actrice qui est amie avec une serveuse qui craque pour un garde du corps, etc. Avec une brochette somptueuse dans des rôles justes pour eux: Anne Alvaro, Alain Chabat, Gérard Lanvin, Christiane Millet et Wladimir Yordanoff. Et Jaoui-Bacri, bien sûr. (J. Ruer)

Les Destinées sentimentales
Olivier Assayas, ancien critique aux Cahiers du cinéma et scénariste de Téchiné (dont Rendez-vous), est un réalisateur qui ne cesse d’étonner par son style précis, moderne et humble. Après L’Eau froide, Irma Vep, et surtout Fin août, début septembre, on attendait avec impatience son adaptation de la fresque romanesque de Jacques Chardonne, Les Destinées sentimentales.

Jean (Charles Berling) est un pasteur marié; Pauline (Emmanuelle Béart) est une jeune femme rebelle. Avant la Première Guerre mondiale, leurs destins vont se souder. Une oeuvre de trois heures sur un amour au milieu des porcelaines de Limoges; un film qui commence avec un bal à la Visconti; des acteurs que l’on dit époustouflants (avec Isabelle Huppert en prime, qui en douterait?); une caméra moderne pour un grand film populaire et classique: une prouesse à ne pas rater et un des films les plus attendus de l’automne et du FFM. (J. Ruer)


Une affaire degoût
Vedette de la télévision française, tour à tour Bernard Derome puis Danielle Bombardier de l’Hexagone, Bernard Rapp revient au cinéma, trois ans après Tiré à part, un film où il abordait déjà la manipulation et la perte d’identité.

Dans Une affaire de goût, il met en scène un jeune homme bien sous tous rapports (Jean-Pierre Lorit), qui devient le goûteur d’un puissant industriel (Bernard Giraudeau), trop calme pour ne pas être dangereux. La relation entre les deux hommes tombera dans l’ambiguïté, et, comme toujours dans ces jeux de cache-cache, on ne saura jamais avant la fin qui est le chat et qui est la souris…

Avec une intrigue qui évoque Une étrange affaire, de Pierre Granier-Deferre, Une affaire de goût rassemble Jean-Pierre Léaud et Charles Berling autour d’un Giraudeau qui se fait une spécialité de ces rôles de viveurs pervers qu’affectionnait Piccoli… (É. Fourlanty)

Merci pour le chocolat
Hormis une cinéphilie qu’on imagine encyclopédique, Claude Chabrol et Woody Allen ne partagent qu’une chose: une régularité d’horloge suisse qui voit chaque année apporter son cru, de la piquette au grand millésime. Après Rien ne va plus, plutôt raté, et Au coeur du mensonge, plutôt réussi, le réalisateur de Docteur Popaul (quand même…) retrouve Isabelle Huppert pour la sixième fois, et étrenne sa rencontre avec Jacques Dutronc. Ça promet.

Tiré du roman de Charlotte Armstrong, Merci pour le chocolat montre une femme d’affaires et un pianiste qui se remarient après l’avoir été brièvement des années auparavant. Une jeune fille à la recherche de ses origines, une millionnaire du chocolat et une ex tuée en voiture: ce noeud de vipères lové dans la haute bourgeoisie de Lausanne est présenté en première mondiale au FFM. Quand même… (É. Fourlanty)

Innocence
On le dit souvent mort, mais le romantisme perdure. Si vous n’êtes pas certain de la persistance du grand amour, allez voir Innocence, de Paul ox, sélectionné en compétition officielle. Le réalisateur australien (Touch Me, Lust and Revenge, A Woman’s Tale) compose avec humour et naturel une réflexion sur le temps qui passe, et déclare que si l’amour a les cheveux blancs, il peut être encore très fringant…

Il semblerait que l’on n’aime jamais comme la première fois (d’où le titre). Que fait-on alors quand on croise de nouveau l’être aimé, 50 ans plus tard? Julia Blake et Charles Tingwell, deux acteurs respectés en Australie, sautent la barrière et se moquent des conséquences et des jalousies. À l’ère de la chair pré-pubère qui sait à peine jouir à l’écran avec justesse, voici une leçon de vie qui pourrait peut-être surprendre et séduire… (J. Ruer)

Under Suspicion
Décidément, les films de Claude Miller ont la cote à Hollywood. Après The Eye of the Beholder, la version yankee, peu concluante, de Mortelle Randonnée, voici que les Américains refont Garde à vue, avec Morgan Freeman à la place de Lino Ventura et Gene Hackman dans la peau de Michel Serrault. Le rôle de Romy Schneider, lui, a subi un lifting, alors qu’il est tenu, ici, par Monica Bellucci.

Hormis l’action, transposée de la France profonde à Porto Rico, le film de Stephen Hopkins (Predator 2, Lost in Space) suit toujours l’interrogatoire qu’un policier tatillon fait subir à un notable de la région, où l’on vient, pour la troisième fois, de trouver le cadavre d’une petite fille violée et assassinée. Un beau duel d’acteurs en perspective. (É. Fourlanty)

State and Main
David Mamet, l’auteur dramatique et scénariste réputé (Glengarry Glen Ross, entre autres) ne peut pas résister très longtemps à l’appel de la caméra (Homicide, The Spanish Prisonner). Il a même décidé de faire sa Nuit américaine, et de choisir un tournage comme sujet de son dernier film, State and Main.

Dans une petite ville du Vermont, au coin des rues State et Main, on plante un décors. Tout commence bien, mais le tournage va s heurter à quelques problèmes. Et presque tout le monde dans cette bourgade de Nouvelle-Angleterre veut sa part de rêve et de paillettes… On aime l’ambiance alambiquée de Mamet, on aime ses histoires tordues et son choix de comédiens: Alec Baldwin, Philip Seymour Hoffman, William H. Macy, et Sarah Jessica Parker. Autant dire que nous sommes prêts pour une comédie grinçante qui sent le bon film indépendant. (J. Ruer)

La Noce
En 1990, le Prix du jury du Festival de Cannes décerné à Taxi Blues lança la carrière internationale de Pavel Lounguine, cinéaste russe francophile dont tous les longs métrages furent, depuis ces débuts cannois, projetés au FFM – bien qu’aucun d’entre eux n’ait été distribué en salles… Jusqu’à aujourd’hui, avec La Noce.

Cette comédie dramatique, pour laquelle tous les acteurs reçurent, à Cannes, un Prix d’interprétation commun, met en scène une famille des environs de Moscou qui se démène entre la joie de voir l’un de ses fils épouser son amour d’enfance, et la dépense énorme qu’occasionne ce mariage. Plus sobre que Kusturica, Lounguine mêle, si l’on se fie à Taxi Blues et à Luna Park, la tendresse, la violence, le grotesque et la poésie avec une touche toute slave. (É. Fourlanty)


Hochelaga
Tanné de faire des dépanneurs avec ses deux meilleurs amis (Jean-Nicolas Verreault et Michel Charette), un jeune mec (Dominic Darceuil) est recruté par les Dark Souls, une bande de motards en guerre contre les Devil’s Soldiers. Malgré les avertissements de sa mère (Michèle Péloquin), ancienne fille de gang, le biker en herbe en aura pour son argent, et son apprentissage prendra des airs de sacrifice initiatique…

Après Le Lac de la lune, un premier long métrage poétique en noir et blanc, Michel Jetté a radicalement changé de registre pour Hochelaga, film sorti d’un peu nulle part, et que personne n’avait annoncé. Présenté en compétition officielle, Hochelaga est porté par une rumeur très positive de film fort, qui dérange. Il faudra attendre le 28 août pour savoir s’il est à la hauteur de sa réputation… Sortie en salle le 1er septembre. (É. Fourlanty)

Gouttes d’eau sur pierres brûlantes
Un homme de cinquante ans et un autre de vingt se rencontrent, se plaisent, emménagent ensemble et se tuent à petit feu. Une pièce écrite par un Fassbinder de 19 ans, et jamais montée ni filmée. Bernard Giraudeau en sugar daddy au caractère de cochon, et Anna Thompson dans le rôle d’un transsexuel plaqué. Un seul décor, un appartement du Berlin des années 70 – moquette brune à poil long, rideaux en filets de pêche et divans rouille: les ingrédients du troisième film de François Ozon promettent un cocktail explosif.
Après Sitcom et Les Amants criminels (jamais sorti à Montréal…), le cinéaste français poursuit dans cette veine où il semble faire cavalier seul: un cinéma symbolique, onirique et social, qui évoque celui de Buñuel et de Ferreri. En mettant en images cette radioscopie impitoyable du couple, Ozon a signé un film réussi, à défaut d’être un grand film… (É. Fourlanty)

Maelström
Dès Un 32 août sur Terre, on a senti que Denis Villeneuve avait un univers propre et un regard bien à lui. Avec Maelström, le cinéaste de 32 ans a voulu explorer le versant noir de ses préoccupations, dans ce «drame lumineux» qui «parle de morale, sans faire la morale».
Alors que tout lui réussit, une jeune femme d’affaires (Marie-Josée Croze) voit sa vie bouleversée lorsqu’elle heurte mortellement un poissonnier norvégien. Aura-t-elle une deuxième chance? Avec des poissons décapités comme narrateurs (auxquels Pierre Lebeau prête sa voix d’ogre doux), Maelström est un film aussi séduisant qu’intrigant. Avec Roger Frappier et Luc Vandal à la production, et André Turpin, le directeur-photo attitré de Villeneuve, Maelström est aussi le premier film que le jeune cinéaste présente en compétition au FFM. Là où ça passe ou ça casse… (É. Fourlanty)

Saint-Cyr
Au XVIIe siècle, Madame de Maintenon (Isabelle Huppert), favorite de Louis XIV et courtisane influente, crée l’École de Saint-Cyr, destinée aux jeunes filles de la noblesse ruinée par les guerres. Une école d’avant-garde dans laquelle l’intrigante compte bien former les femmes de pouvoir de demain. Femme libre avant l’heure, la Maintenon n’en est pas moins terrorisée par l’enfer, et cherchera son salut en faisant de son établissement révolutionnaire une école pieuse…

En 1989, Patricia Mazuy avait débarqué dans le cinéma avec Peaux de vaches, un premier film fort, mettant en scène Sandrine Bonnaire. Pour Saint-Cyr, elle a voulu faire «un Full Metal Jacket en jupons!». Cette fille spirituelle de Pialat a choisi un film d’époque dynamité par un regard moderne. D’autant plus que la trame sonore est de John Cale… (É. Fourlanty)

L’Invention de l’amour
Un jeune écrivain (David La Haye), qui planche sur son second roman, ne parvient pas à oublier son ex-blonde. Il rencontre Charlotte (Pascale Montpetit), femme heureuse en ménage et qui, pourtant, aura une liaison avec le romancier qui se cherche…

Après quelques courts métrages (Le diable est une petite fille, Une nuit avec toi), Claude Demers signe un premier long métrage qui, présenté en compétition officielle, fait figure d’outsider à côté de Maelström et d’Hochelaga. C’est la première fois en 24 ans que trois films québécois se retrouvent en compétition au FFM: est-ce à dire que la qualité du cru 2000 est exceptionnelle? Un film qui pourrait créer la surprise… (É. Fourlanty)

Harry, un ami qui vous veut du bien
De Cannes, voilà le genre de surprise que l’on adore: un réalisateur inconnu, Dominik Moll (auteur d’Intimité en 1994), qui arrive avec un film au titre à rallonge, et qui soulève l’enthousiasme des foules. On parle maintenant d’un Hitchcock français, c’est tout dire… La chose la moins surprenante dans cette farce de dingues est la présence de Sergi Lopez, l’Espagnol attitré de l’Hexagone (Western, La Nouvelle Ève, Rien à faire, Une liaison pornographique).

Michel (Laurent Lucas) et Claire (Mathilde Seigner) partent en vacances avec leurs trois filles. Les filles s’énervent, la maison dans le Cantal est en chantier: heureusement, la petite famille va croiser Harry sur son chemin, un gars vraiment prêt à tout pour aider son prochain. On parle de caractères bien fouillés, de thriller libérateur et de comédie intelligente et originale: un rêve sur papier… (J. Ruer)

Sade
Cinq après la prise de la Bastille, Donatien Alphonse François Sade (Daniel Auteuil), le marquis de… pour les intimes, croupit dans les prisons de la Révolution. Ruiné et vieillissant, il n’a pourtant rien perdu de son esprit subversif et de son appétit pour la chair fraîche. S’inspirant du roman erreur dans le boudoir, Sade montre le penseur libertin faisant un dernier tour de piste, entre les conquêtes et la guillotine.

Cinéaste résolument moderne, Benoît Jacquot s’est attaqué à un mythe de la littérature, de l’histoire et de la culture occidentales. Rien ne laissait pourtant présager que le réalisateur de L’École de la chair se pencherait sur le sort de Sade. Rien que pour voir Auteuil dans la peau du divin marquis, ce Sade-là vaut le détour. (É. Fourlanty)

Love me
Laetitia Masson a de la suite dans les idées; elle voulait un triptyque autour des femmes, de l’amour et du rapport à l’argent: après En avoir ou pas et À vendre, voici Love me qui vient clore le sujet, la dernière tranche de passion de la jeune réalisatrice. Dans les trois films, on retrouve la comédienne fétiche (l’alter ego?) de Masson: Sandrine Kiberlain.
Cette dernière prête son talent et son image à Gabrielle, jeune femme folle amoureuse de Lennox (Johnny Hallyday), un chanteur has been. Entre rêve et réalité, entre passé et présent, dans une Amérique que l’on dit mythique, voici l’histoire difficile d’un amour compliqué où se croisent de très bons acteurs (n’oublions pas Jean-François Stévenin, et Aurore Clément). Pour la quête du grand amour: voyage intérieur à suivre. (J. Ruer)

Tabou
Toujours en direct de Cannes, voici le dernier film d’un des piliers du cinéma, un casseur d’interdits, le respectable et rebelle Nagisa Oshima (L’Empire des sens, L’Empire de la passion, Furyo, Max, mon amour). Avec Tabou, le vénérable réalisateur veut encore savoir où mènent les pulsions sexuelles…

Il plante son histoire à Kyoto, au XIXè siècle. Une milice protège un shogun. Le chef de cette milice, Takeshi Kitano, et ses frères d’armes perdent leur contrôle et leurs moyens quand débarque un nouveau guerrier à la beauté androgyne, Ryuhei Matsuda. Si l’on traite ouvertement d’homosexualité, on décrit en douce que le sexe et les crimes sot bien des moteurs de vie. Pas de débauches charnelles, mais beaucoup de non-dits: voici un film dont il faudra interpréter les silences… (J. Ruer)

Infidèle
Toujours au rendez-vous, toujours lumineuse et talentueuse, Liv Ullmann endosse son costume de réalisatrice (Sofie, Kristin Lavransdatter et Entretiens privés, tous présentés au FFM), et propose Infidèle.

Une valse amoureuse entre deux hommes et une femme qui, sur une île en ce début du XXIè siècle, savent que l’on peut jouer avec l’adultère et la moralité. La seule personne à ne pas savoir dans quel camp elle doit se placer est une petite fille. Cette dernière serait-elle la victime de cette perte annoncée des valeurs d’exigences et de fidélité? Une réflexion sur le couple, ça ne vous rappelle pas quelqu’un? Ingmar Bergman est l’auteur du scénario d’Infidèle, mais aussi un des acteurs, avec Lena Endre et Erland Josephson. À voir, d’abord pour découvrir si le maître suédois a encore le doigté pour raconter une histoire d’aujourd’hui… (J. Ruer)

Sanmon Yakusha
Kaneto Shindo vient recevoir un hommage au FFM, où l’on présentera ses trois derniers films (L’Île nue, Onibaba, Le Baladin aveugle). Mais le célèbre assistant de Mizoguchi, né en 1912 à Hiroshima, vient également offrir son dernier film en première mondiale, Sanmon Yakusha.

Il y raconte la vie de l’acteur japonais Taiji Tonoyama, dont on a dit qu’il avait fait au moins 250 films et qu’il avait beaucoup aimé les femmes, l’alcool et les romans policiers. Shindo rend hommage à l’acteur populaire, qui a joué dans un de ses films (L’Histoire d’une épouse bien-aimée) et retrace, du même coup, tout un pan de l’histoire du cinéma japonais. (J. Ruer)

Combat d’amour en songe
Raoul Ruiz filme plus vite que son ombre. Nous étions restés accrochés à son interprétation proustienne (Le Temps retrouvé), que déjà sortait Fils de deux mères et, cette année, Combat d’amour en songe. Rien que pour le titre, ce flm vaut le déplacement…

Ruiz retourne à l’enfance avec un conte fabuleux qui parle du bien, du mal, de pirates et d’un trésor fabuleux, d’un jeune homme au coeur pur et d’un bordel d’anciennes religieuses. Ce créateur insolite et prolifique nous embarque dans une aventure mystérieuse entrecoupée de discussions philosophico-théologiques! Pourquoi pas, puisque montent à bord avec lui Melvil Poupaud, Elsa Zylberstein, Lambert Wilson et Christian Vadim. (J. Ruer)

FFM
Du 24 août au 4 septembre