Festival des Films du Monde : Dernier tango au Parisien
Cinéma

Festival des Films du Monde : Dernier tango au Parisien

Entamons le tour de piste final de ce 24è FFM: entre la confirmation des talents et la découverte de nouveaux regards, le choix reste généreux.

Pas de règlements de comptes médiatiques, pas de sorties fulgurantes du grand chef, Serge Losique: Le FFM du millénaire passe en douceur dans le paysage culturel montréalais, comme si les médias avaient décidé de mettre un bémol à leurs plaintes habituelles (pas de grosses stars, circulation peu intense au Marché du film, mainmise de Losique, soirées tranquilles, etc.). Ces absences de critiques ressemblent à un abandon: puisque rien ne change vraiment, rien ne sert de hurler dans le vide. Mieux vaut aller au ciné. Et sur près de 400 films, il y a forcément de quoi nous faire oublier nos doléances. Devant les cinémas, les files d’attente sont toujours aussi longues, et s’il manque de prime jeunesse dans les rangs, on se plaît à croire que le public se renouvelle tout de même et qu’il ne s’encroûte pas avec l’institution…

Bref, il reste encore 4 jours pour faire son plein de films: ceux qui vont sortir en salle mais que l’on veut voir avant tout le monde, dans la petite fraîcheur du matin; et ceux que l’on ne verra probablement jamais. Jusqu’ici, le Festival n’a pas offert son lot de controverses, mais a confirmé certaines attentes. La manne française est copieuse: Le Goût des autres, Gouttes d’eau sur pierres brûlantes, Une affaire de goût et Les Destinées sentimentales sont de belles pièces; on a été marqué par Hochelaga et Maelström, et l’on reste dubitatif devant Le Silence brisé et Cecil B. Demented.

Plusieurs films ont séduit les distributeurs et sont donc assurés d’une sortie en salle. Si vous êtes pressé, vous pouvez vous jeter dans la mêlée. On attend encore des films à costumes: Sade de Benoît Jacquot et Saint-Cyr, de Patricia Mazuy. Il est aussi temps de voir Innocence de Paul Cox, un film sur l’amour qui n’a pas d’âge, et qui a fait pleurer quelques festivaliers à Cannes. On va s’installer aussi devant Merci pour le chocolat, parce que Claude Chabrol, c’est toujours du bonbon; et, porté par de bons échos de la presse française, devant la comédie tedre et amère de Gérard Jugnot, Meilleur espoir féminin. À noter: avec des personnages à la John Irving, coincés dans un patelin du Vermont, State and Main, de David Mamet, est réjouissant.

À vendre!
Par contre, quelques bobines ayant encore échappé aux distributeurs, certains visionnements seront les séances de la dernière chance… Le film japonais Hysteric, de Takahisa Zeze, est présenté en première nord-américaine et il est, paraît-il, très prometteur. Comment une jeune femme douce arrive-t-elle à tomber dans le crime, juste en subissant l’influence de son nouvel amant? L’approche est brutale, mais on y traite de domination et de pouvoir.

On ne le verra peut-être pas non plus, et c’est dommage: The Big Animal est une comédie tendrement absurde signée par une star de son pays, l’acteur-réalisateur polonais Jerzy Stuhr. L’histoire est de Krysztof Kieslowski. M. Zawicki (Stuhr), employé de banque respectable, et sa femme (Anna Dymna) recueillent un chameau abandonné. Attaché à l’animal, le couple se fait montrer du doigt par la communauté: fable simple, mais pas simpliste sur la différence, voici un film tourné avec pudeur et concision. Charmant.
Elle avait fait parler d’elle en 1996 avec Les Mille et Une Recettes du cuisinier amoureux: la réalisatrice Nana Djordjadze revient avec une drôle d’histoire coiffée d’un titre allumé, 27 Missing Kisses. C’est le récit d’un été torride où tout commence avec Sibylle qui a promis à Mickey 100 baisers, mais ce dernier n’en a reçu que 73.
Enfin, pour une toile de fin de semaine, voici un petit trio…

Nora
Nora est l’histoire orageuse de cette domestique farouche et insoumise qui partagea la vie de l’écrivain irlandais James Joyce. Las des commérages de la chaste bourgeoisie, ils conviendront tous deux d’un exil en Italie, au début du siècle dernier. Mais là-bas leurs rapports les ruineront davantage que la nuisance des racontars. Souffrant d’une paranoïa maladive, James Joyce empoisonnera l vie de celle qui deviendra sa femme. Un amour passionnel que le film traduit avec beaucoup d’humanité. Magnifiquement rendu par Ewan McGregor et Susan Lynch, Nora est signé Pat Murphy. Une réalisation marquante par la beauté de sa direction photo et l’authenticité du jeu de ses acteurs. Les 2, 3 et 4 septembre. (I. Lamouri)

Guantanamera Boxe
Comme le basket-ball aux États-Unis, ou le soccer partout ailleurs sur la planète, la boxe est, à Cuba, une passion nationale, mais aussi un espoir de vie meilleure. Première production de la jeune compagnie Al Dente!, Guantanamera Boxe suit Michel et Yauset, deux apprentis boxeurs de 15 et 14 ans, qui s’entraînent pour les Jeux scolaires nationaux. De leur province natale à La Havane, où se déroule la compétition, des réveils à 7 heures du matin aux matchs décisifs, de leurs confessions à celles de leurs familles, la caméra de Richard Jean-Baptiste et Yann Langevin suit ces gamins qui rêvent de défendre les couleurs de leur pays à l’étranger. Loin d’être un documentaire partisan, Guantanamera Boxe met en lumière l’aspect politique de ces rêves d’enfants, mais jamais au détriment du portrait des deux garçons. Un petit film avec du coeur et du punch. Le 4 septembre. (É. Fourlanty)

Total Loss
Ce premier long métrage de la cinéaste néerlandaise Dana Nechustan est le genre d’heureuse surprise qu’on espère toujours trouver dans un festival comme le FFM. Tirée d’un roman de Karst Woudstra, l’intrigue est à prendre sous un angle métaphorique, si l’on veut en suivre le fil. Deux hommes, l’un médecin, l’autre pas, vivent ensemble à Rotterdam. À la veille du jour de l’An, l’un d’eux trouve un jeune homme qui vient de faire une tentative de suicide, le sauve et le ramène chez lui… Total Loss retrace, à coups de flash-back imbriqués les uns dans les autres comme des poupées russes, cette journée qui se terminera par un terrible accident de voiture, scène charnière qui ouvre le film. Réalisation remarquablement maîtriée pour un coup d’essai, construction à tiroirs, ambiance tendue et sobre, parabole sur les jeux de pouvoir et la manipulation: cette «Perte totale» est une belle réussite. Les 3 et 4 septembre, sous-titré en anglais. (É. Fourlanty).

www.ffm-montreal.org
Jusqu’au 4 septembre