Le Pique-nique de Lulu Kreutz : La répétition
Prenez des Français en mal de vivre, observez pendant quelque temps leurs agissements singuliers, puis réunissez-les à la première occasion venue (dans ce cas-ci, un pique-nique). Tenez le groupe serré, et secouez bien. Une fois séparés, les individus auront changé. Et c’est la fin de l’histoire. Cette recette s’applique à tellement de films français depuis des décennies que ce serait une bêtise que d’en parler encore…
Prenez des Français en mal de vivre, observez pendant quelque temps leurs agissements singuliers, puis réunissez-les à la première occasion venue (dans ce cas-ci, un pique-nique). Tenez le groupe serré, et secouez bien. Une fois séparés, les individus auront changé. Et c’est la fin de l’histoire. Cette recette s’applique à tellement de films français depuis des décennies que ce serait une bêtise que d’en parler encore… Pourtant, pas moyen de faire autrement avec le troisième film de Didier Martiny, Le Pique-nique de Lulu Kreutz, déjà présenté au FFM. Un violoncelliste mondialement connu, Jascha Steg (Niels Arestrup), est à Évian pour y donner un concert. Il y est rejoint par son père, (Philippe Noiret), un bon vivant hypocondriaque; sa mère (Judith Magre), une soupe au lait adorable; et son oncle (Michel Amont), un sexagénaire encore vert. Le musicien ne va pas bien, surtout que la femme qu’il aime, Anna (Carole Bouquet), violon dans l’orchestre, se trouve dans la même ville avec son mari (Johan Leysen), un zoologiste sensible. Une amie de la famille, Lulu Kreutz (Stéphane Audran), décide d’organiser un pique-nique en montagne pour tout ce beau monde. Ce scénario est signé Yasmina Reza, dont le nom sur l’affiche ressort autant que celui du réalisateur; le succès international de sa pièce ART en est la cause.
Cette comédie dramatique se termine donc par une réunion dans l’herbe, alors que cette scène aurait dû en être le point de départ. Mais non! Nous devons passer tout ce film interminable à écouter les plaintes et à attendre les réactions prévisibles des sept personnages; sachant pertinemment qu’ils vont craquer une fois assis par terre à bouffer du pâté de foie… C’est déjà vu et très frustrant. Si encore on pouvait s’émouvoir sur quelques sbires, comme dans Les Marmottes ou dans Les Randonneurs; ou s’il y avait un talent derrière la caméra, comme dans Milou en mai, on goberait la ratatouille. Ici, la chose est impossible: une mise en scène fadasse colle à un scénario réchauffé qui balance des personnages passe-partout. Beau cocktail… Et quel malheur de gâcher une brochette pareille! Audran, Noiret, Magre et Aumont jouent sur le pilote automatique, heureux de se trouver en vacances au grand air. Bien qu’il ne soit pas à la hauteur de la danse du ventre de Rochefort dans Le Mari de la coiffeuse, le quickstep de Michel Aumont dans les alpages est assez amusant. Par contre, Carole Bouquet est imbuvable en femme peu sûre de son pouvoir de séduction (!). Seul Arestrup brûle toujours de la même fièvre. Et bien sûr, les montagnes sont splendides, mais une toile de fond n’a encore jamais rien sauvé.
Reste le plus agaçant dans cette chronique mondaine: l’écriture, d’une préciosité qu’on n’a pas vue depuis longtemps. Plutôt que de mettre ce travers sur le dos du milieu observé (des quinquagénaires de la haute bourgeoisie juive), il serait plus juste de blâmer les envolées de madame Reza qui, croyant réinventer la roue, n’en finit plus de digérer La Cerisaie ou La Trilogie de la villégiature…
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