Pierre Hébert : À chaud
Cinéma

Pierre Hébert : À chaud

Il y en a qui écrivent, qui dessinent, qui photographient, qui peignent, et il y en a… qui grattent. Pierre Hébert, lui, s’adonne à tout cela, et avec grand talent, depuis une quarantaine d’années.

Il y en a qui écrivent, qui dessinent, qui photographient, qui peignent, et il y en a… qui grattent. Pierre Hébert, lui, s’adonne à tout cela, et avec grand talent, depuis une quarantaine d’années. La Cinémathèque québécoise consacre une semaine de rétrospective à celui que l’on considère comme l’un des plus grands cinéastes d’animation actuels. On pourra voir ses courts métrages et son long métrage (La Plante humaine), et assister à un spectacle musical avec le claviériste Guillaume Dostaler.

On a souvent étiqueté l’artiste comme fils spirituel de Norman McLaren, mais sa recherche est sans fin. Entré à l’ONF dans les années 60, il s’est démarqué avec deux films d’inspiration brechtienne, Entre chiens et loup (1978) et Souvenirs de guerre (1982). Deux poèmes pacifistes qui mélangent la gravure sur pellicule noire, le collage, le film et le découpage. Des films déroutants et superbes dont le cadre change au moment où on s’y attend le moins, et qui n’en finissent plus de bouleverser la routine. Mais c’est à partir d’Étienne et Sara (1984) que Pierre Hébert entame une recherche "à chaud" sur le corps humain et la création en temps réel. Avec ce très beau film, une lettre d’amour des plus intelligentes jamais écrite à son enfant, la naissance et l’évolution intellectuelle et corporelle d’un enfant deviennent prétexte à une interrogation sur la société qui va happer ce nouvel être.

Comment réfléchir sur le corps sans y prendre réellement part? Depuis les années 80, Hébert réalise donc des créations en direct. Il s’installe devant un projecteur dans lequel défile une longue boucle de pellicule, et il grave une image à la fois. Le spectateur assiste à la naissance d’un film et les performances sont accompagnées de danseurs, de comédiens ou de musiciens (Jean Derome, Robert M. Lepage ou Bob Ostertag).

Ce qui fascine le plus chez Hébert – et chez la plupart des grands artistes -, c’est sa capacité à être toujours en alerte. En assimilant le réel et le présent, la société telle qu’elle est maintenant; il n’en finit plus de confronter sa vision du monde à celles des autres, penseurs, intellectuels et philosophes. Pas vraiment du Disney. Hébert est un artiste érudit qui pompe son inspiration dans tous les possibles, dans tous les lieux et dans toutes les époques, de Brecht à Sotigui Kouyaté. On reste ému devant La Lettre d’amour (1988), ébloui par les couleurs de Chants et danses du monde inanimé – le métro (1984) et par les envolées recomposées et purement formelles d’Ô Picasso (tableaux d’une surexposition) (1985). La production de ce poète exigeant est à voir.

Du 27 au 30 septembre
À la Cinémathèque québécoise