FCMM : Plein la vue
Bilan à mi-chemin du marathon d’images: ça roule. Le Complexe Ex-Centris qui abrite le 29e FCMM est pris d’assaut. Le succès engendrerait-il un petit problème d’espace? Qu’importe, on se tient chaud; et vu la qualité de la programmation, cela ne semble pas géner les festivaliers
Bilan à mi-chemin du marathon d’images: ça roule. Le Complexe Ex-Centris qui abrite le 29e FCMM est pris d’assaut. Le succès engendrerait-il un petit problème d’espace? Qu’importe, on se tient chaud; et vu la qualité de la programmation, cela ne semble pas géner les festivaliers. En plus de Yi-Yi, Le Cercle, et autres Fast Food, Fast Women, voici quelques plans pour les jours à venir.
La Chambre des magiciennes
Une étudiante en anthropologie (Anne Brochet) est hospitalisée par son neurologue (Yves Jacques) pour de violentes migraines. Elle partage sa chambre avec une jeune mère (Mathilde Seigner) et une vieille femme folle (Annie Noël). Sur ce simple canevas, Claude Miller a écrit et réalisé l’un de ses meilleurs films, servi par d’excellentes comédiennes. Tiré d’un chapitre des Yeux bandés, roman de Siri Hustved, La Chambre des magiciennes a été coproduit pas la chaîne culturelle Arte, dans le cadre d’une série de films tournée en numérique; un format léger et souple qui a permis au réalisateur de Mortelle Randonnée de retrouver une seconde jeunesse. Avec l’énergie d’un premier film et la richesse d’une oeuvre de maturité, ce "drame comique" rit de nos peurs (la maladie, la folie, le ridicule, la solitude), et combine poésie, émotion et légèreté. Coup de coeur. (É. Fourlanty)
Shower
La ligne narrative de Shower est loin d’être nouvelle, mais on plonge dans cette fable avec délice. Les images nonchalantes et tendres d’un vieux bain public japonais, lieu de rencontre et coeur du quartier, sont devenues des anachronismes. Aujourd’hui, l’homme d’affaires prend sa douche de façon rapide, genre lave-auto pour humains. Choc de deux cultures, dignité bonhomme d’un père et tension coupable d’un fils: dans Shower, on sait exactement où l’on va, mais Zhang Yang nous y mène avec de superbes images. Une comédie de l’existence, légère et un rien zen… (J. Ruer)
Von Trier 100 Eyes
Que l’on aime ou pas le cinéma de Lars von Trier, Dancer in the Dark est un film à voir, un mélo musical minimaliste et mégalomane, qui teste les possibilités de l’image, entre autres avec l’emploi de cent caméras digitales pour certains numéros musicaux, d’où le titre du documentaire de Kathia Forbert Peterson, présenté en première mondiale. La perspective d’arpenter l’envers du décor, et les dédales de l’esprit paradoxal de son créateur, suffit à titiller le festivalier et les rumeurs d’affrontement, de fusion, et de tension entre von Trier et Björk font du cinéphile un voyeur curieux d’assister de visu à la joute entre deux ego égaux. C’était sans compter avec le besoin de contrôle du cinéaste danois: nulle trace de Björk dans ce document platement réalisé, dans lequel von Trier énonce des banalités sur ses angoisses créatrices, lieux communs d’autant plus nébuleux que les sous-titres sont faits n’importe comment. Déception. (É. Fourlanty)
Purely Belter
Deux ados, Gerry (Chris Beattie) et Sewell (Greg McLane), habitent Newcastle; ils n’ont pas un rond et sniffent de la colle. Mais ils vont tout faire pour obtenir des billets de saison de football, à la fois moteur et religion de la ville. Une chronique tendre et amère menée tambour battant: on sent la patte du réalisateur Mark Herman, connu depuis Brassed off et Little Voice. S’inspirant encore d’une nouvelle, Herman y va d’un humour à froid qui tourne en dérision les horreurs quotidiennes; un cinéma social que les Anglais pratiquent aussi naturellement que le cricket. Pas de surprises pour les amoureux du genre, mais découverte de deux jeunes acteurs. Accrochez-vous, l’accent est terrible. (J. Ruer)
O Livro de Raul
Artiste touche-à-tout, le Brésilien Arthur Omar semble être le seul qui puisse approcher l’univers de Raoul Ruiz avec originalité. Dans une suite de libres associations sur le Brésil, le Chili, la mort, l’art poétique ou les empanadas, il construit un monde confus où les mots du réalisateur chilien font figure d’oracle. Au milieu de ce délire organisé en documentaire, on reconnaît la vive intelligence du cinéaste de La Comédie de l’innocence. (J. Ruer)
De l’art et la manière chez Denys Arcand
Georges Dufaux tente de filmer le processus de création d’un film. Il choisit celui de son ami Denys Arcand, Stardom. Il est toujours fascinant de voir la quête d’un auteur pour l’émotion voulue, cherchant l’étincelle, le mot juste, le geste précis; il est aussi passionnant de capter la concentration de Charles Berling, la nervosité de Jessica Paré ou celle, cachée, de Robert Lepage. À voir, rien que pour le rire d’Arcand. (J. Ruer)
Hustler White
Ça commence comme Sunset Boulevard, cadavre dans la piscine, narration en voix off et retour au passé, mais ça continue un peu différemment: Hustler White fait date dans le monde homo-punk du réalisateur Bruce La Bruce. Dans ce film-culte de 1996, La Bruce incarne un écrivain gai en visite à L.A. qui étudie anthropologiquement le milieu des prostitués hommes, jusqu’à ce qu’il tombe sur Tony Ward, la bête tatouée qui a jadis plu à Madonna. L’image est violente; le cul, aride; mais la tendresse, très vibrante. (J. Ruer)