Peut-être/Cédric Klapisch : Jet de sable
Cinéma

Peut-être/Cédric Klapisch : Jet de sable

Petit conte fantastique pour idéalistes joyeux et pour nouveaux pères, Peut-être est une bizarrerie dans la filmographie de CÉDRIC KLAPISCH. Ni bon ni mauvais, juste un OVNI dans le ciel de Paris…

Après avoir filmé l’air du temps (Le Péril jeune, Chacun cherche son chat, Un air de famille), Cédric Klapisch a eu envie d’évasion. Écrit avec Santiago Amigorena et Alexis Galmot, deux copains de lycée du cinéaste, avec qui il a rédigé le scénario du Péril jeune, Peut-être est parti d’un désir d’histoire. "On voulait faire quelque chose qui ne parte pas de notre expérience commune, et qui, au départ, s’appelait N’importe quoi. Ça devait être un conte philosophique, et, finalement, c’est un film hybride, entre le réalisme et le fantastique."

Comédie d’anticipation réaliste, Peut-être est plus près du Petit Prince que du Cinquième Élément, propulsant un jeune Parisien (Romain Duris) en 2070, année où il rencontre son fils (Jean-Paul Belmondo), encore à naître. Bien que Paris y soit montré ensablé jusqu’aux toits, et à peine plus multi-ethnique qu’aujourd’hui, Peut-être montre un avenir sans gadgets, ni paradisiaque, ni déshumanisé. Une vision à hauteur d’homme, assumée dès l’écriture par les trois coscénaristes. "Depuis Jules Verne, quand on pense à demain, on parle de découvertes scientifiques, de progrès technologiques, alors que les moeurs, les rapports sociaux changent aussi. Il y a un siècle, la question d’avoir un enfant se posait très différemment. C’est un peu cela qu’on voulait montrer."

Dans ce "film de jeunes", portant sur un sujet plus aigu dans la vingtaine que dans l’âge d’or, on trouve un sémillant sexagénaire qui fait dans le contre-emploi. Pourquoi Bébel? "J’ai toujours été un fan de Belmondo, et c’était le meilleur acteur pour le personnage. Quand on cherche quelqu’un de 65, 70 ans pouvant être drôle et physique, on n’en trouve pas des dizaines. Lui était très content de travailler avec des jeunes. Le premier jour de tournage, tout le monde était tétanisé (y compris moi!); mais Belmondo est très conscient d’impressionner, et il fait tout pour rassurer et mettre les gens à l’aise. J’ai découvert quelqu’un qui se met complètement au service du film." Sorti en novembre dernier en France, Peut-être n’a pas eu le succès escompté. Quand on demande à Klapisch comment il a réagi à ce demi-échec, il remet les pendules à l’heure. "Ç’a été très mitigé dans la presse, mais on a fait autant d’entrées que Chacun cherche son chat, et ç’a été le 10e résultat de l’année, en France. J’étais un peu déçu sur le coup, parce que j’y ai passé cinq ans, et que c’est un film de plus grande envergure; mais aujourd’hui, je me dis que ce n’est ni un succès ni un échec. C’est un film particulier, qui ne correspond à aucune étiquette. Ceux qui aiment être déstabilisés sont choyés, et les autres, non. Il faut aimer aller ailleurs, quoi!"

Alors que les Américains sont en voie de réaliser un remake de Chacun cherche son chat, avec Heather Graham ("Je n’ai rien à voir là-dedans, mais je suis très curieux de la chose."), Cédric Klapisch se lance dans le polar, un film de gangsters avec Marie Gillain et Vincent Elbaz. Plutôt GoodFellas ou plutôt Les Tontons flingueurs? "Si ça pouvait être entre les deux! GoodFellas est un chef-d’oeuvre; alors je n’ose pas penser que ça en sera proche. Je suis très attentif à ne pas faire du sous-Scorsese; mais, de toute façon, avec notre budget, ça ne risque pas!"

Voir calendrier
Cinéma exclusivités

CRITIQUE
Ce pourrait être un petit film parisien jeune et branché, genre soirée-galère-en-perspective, mais dans la scène du début se glisse un petit malaise, un léger décalage en fast forward, qui annonce le grand délire de la suite. Arthur, 24 ans (Romain Duris), ne se décide pas à sortir. Nous sommes pourtant le 31 décembre 1999, il mouille un peu sur Paris, et il faut faire la fête. Une soirée (thème futuriste) commence. Il y retrouve sa belle, Lucie (Géraldine Pailhas), qui désire avoir un enfant justement ce soir-là. Mais Arthur ne se sent pas d’attaque. Il trouve plutôt une entrée vers le futur (via les toilettes; nous sommes en France), où il rencontre un vieil homme de 70 ans, Ako (Jean-Paul Belmondo), qui déclare être son fils. Avec Peut-être, Cédric Klapisch fait des infidélités au présent mais reste accroché à Paris. Et c’est la chose la mieux réussie dans ce film fable, dans cette aventure BD sur la filiation. On imagine que Paris est sous le sable en 2070. Pourquoi pas… le désert a envahi les boulevards, et les bécanes sont devenues des ânes. La capitale, toujours aussi multiculturelle, semble avoir retrouvé l’ambiance village qu’elle avait sur les photos de Doineau et s’accommode très bien de ce look berbère. C’est un avenir crédible et bien conçu par des effets spéciaux peu encombrants.

Si la prémisse est loufoque, le film est candide. C’est comme si Klapisch, avec une ampoule sur le front et un eurêka dans la bulle, s’était laissé entraîner dans des rêveries naïves. Ça rappelle La Belle verte, la crise écolo de Coline Serreau. Pourtant, la soupe n’est pas aussi indigeste, et Klapisch sait saisir les personnages. Mais chaque fois que le poisson est harponné, il le laisse filer. On patauge dans les trous noirs de son Star Wars des faubourgs, en attendant le prochain appât. Il y a heureusement les apparitions de Jean-Pierre Bacri, l’euphorique dégradation de son fils (Vincent Elbaz), la crise de nerfs de sa soeur Leia (Léa Drucker), les niaiseries de Zinedine Soualem et le costume de Hulk d’Olivier Py. Et puis Bébel, c’est Bébel. Il est en forme. Il a des cheveux longs et donne du "papa" au petit Duris. Les acteurs sont mignons, le bric-à-brac un peu cirque fait joli, et tout le monde s’aime. Dommage que ça ne chante pas, on dirait le Big Bazar.

Juliette Ruer