You Can Count on Me : Les choses de la vie
Orphelins, Sammy (Laura Linney) et Terry (Mark Ruffalo) sont frère et soeur, et viennent d’une petite ville de l’État de New York. Sammy vit avec Rudy, son fils de huit ans (Rory Culkin); elle croit en Dieu, a une relation en dents de scie avec Bob (Jon Tenney), s’engueule avec son boss à la banque (Matthew Broderick) et accueille son frère qui revient en ville lui soutirer de l’argent.
Orphelins, Sammy (Laura Linney) et Terry (Mark Ruffalo) sont frère et soeur, et viennent d’une petite ville de l’État de New York. Sammy vit avec Rudy, son fils de huit ans (Rory Culkin); elle croit en Dieu, a une relation en dents de scie avec Bob (Jon Tenney), s’engueule avec son boss à la banque (Matthew Broderick) et accueille son frère qui revient en ville lui soutirer de l’argent. Elle est blonde, provinciale et rigoriste; il est brun, bum et irresponsable. Ils s’adorent, mais tiennent à leurs choix respectifs. À partir de là, tout arrive, mais peu de choses se passent. You Can Count on Me fonctionne comme les affaires de famille: malgré la violence de certains chocs, malgré la surprise de la douleur, l’incongruité du bonheur, la panique de s’être trompé; bref, malgré tous les coups de la vie, on ne remarque que quelques ridules en surface: on refléchit, mais on ne change pas d’avis au quart de tour pour autant. On ne bouleverse pas forcément ses choix. D’où l’intelligence de ce film. Et sa subtilité. Chouchouté par la critique, il a remporté deux prix à Sundance et celui de meilleur acteur à Montréal pour Ruffalo. You Can Count on Me est le premier long métrage de Kenneth Lonergan, auteur de théâtre et scénariste (Analyse This).
Des dialogues justes et réalistes, des conversations qui cherchent le consensus et la clarification: ici, on ne parle pas pour ne rien dire, on doit expliquer ses gestes, encore et toujours. Parce que la situation de la famille au XXIè siècle est un champ de mines, parce qu’il faut sans cesse justifier ses choix, Lonergan a joué de modestie et de légèreté. Il a dressé un tableau à petits coups de pinceau, un peu à la façon des réalisateurs français. La rue principale d’une bourgade endormie de la Nouvelle-Angleterre au son d’un air de country mou, la maison victorienne un peu trop vieille: c’est l’Amérique qui ne parle pas fort. La garde-robe pastel, la coupe de cheveux impeccable, la cigarette en douce, le copain prêtre… Laura Linney prête à Sammy la beauté classique, la rigueur d’apparence et la mobilité sensible d’Helen Mirren. Ruffalo, le verbe hésitant mais la pensée claire, la présence indiscutable et les envolées d’un adulte qui veut rester ado, se pose comme Brando, une masse indomptable dans un quotidien réglé comme du papier à musique.
Malgré des suites de Bach qui alourdissent l’émotion, cette peinture n’est pas trop caricaturale; elle a les indécisions de la vie. Plus que Nobody’s Fool, ou même Affliction, qui traitaient eux aussi des clichés de la petite ville qui semble ordonner un comportement propre, droit et chrétien, You Can Count on Me englobe des individus piégés, englués dans les bons sentiments: une liberté pesante pour Terry, une droiture non naturelle pour Sammy, un isolement imposé pour Rudy, une indécision chronique pour Bob et un despotisme sournois pour Brian, le directeur de banque. Dans ce mini-rôle, Broderick offre d’ailleurs la bouffée drolatique de la chose: celui du minus perdu dans son pantalon, du même tonneau qu’Election.
Par une mise en scène simple, Lonergan réussit donc sa radiographie: la répétition mécanique des gestes quotidiens n’existe pas, puisque des volcans viennent chaque jour modifier imperceptiblement un sourire, un regard ou une démarche. C’est humain, et cette chronique nuancée du comportement fait mouche.
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