Finding Forrester : Note passable
Entre le moment où il a dit: "Il y a un peu de Kubrick dans chacun de mes films" et celui où il a déclaré: "En tant que conteur d’histoires, un cinéaste doit être gentil avec le public", Gus Van Sant est passé de Drugstore Cowboy à Good Will Hunting et de My Own Private Idaho à Finding Forrester.
Entre le moment où il a dit: "Il y a un peu de Kubrick dans chacun de mes films" et celui où il a déclaré: "En tant que conteur d’histoires, un cinéaste doit être gentil avec le public", Gus Van Sant est passé de Drugstore Cowboy à Good Will Hunting et de My Own Private Idaho à Finding Forrester. Étrange parcours que celui du seul réalisateur hollywoodien à être ouvertement gai, et qui, de cinéaste original, est devenu un artisan honnête, se permettant des anomalies comme le remake image par image de Psycho.
Après l’échec commercial et critique de ce dernier film, Gus Van Sant retourne dans les sillons de Good Will Hunting, avec une touche de Dead Poets Society et de Wonder Boys. Cette fois-ci, plutôt qu’un jeune Blanc pauvre et surdoué, le héros est un jeune Noir pauvre (Robert Brown), étudiant brillant, doué pour l’écriture, et qui excelle au basket-ball. Plutôt qu’à un psychiatre ayant une blessure secrète, et qui a pris ses distances avec les institutions, on a droit à un écrivain reclus (Sean Connery) détenteur d’un douloureux secret, auteur d’un chef-d’oeuvre, et qui n’écrit plus depuis. Les deux se rencontrent, et s’apprendront plein de belles choses, telles que l’écriture, la rigueur, l’intégrité, le goût du risque et l’amitié…
Écrit par Mike Rich, animateur de radio à Portland, le scénario de Finding Forrester est impeccable, sans un faux pli, sans une tache; une belle histoire bourrée de bonnes intentions. Remarqué par Gus Van Sant après avoir gagné un concours organisé par l’Academy of Motion Pictures (responsable des Oscars), ce script suit les préceptes du gourou hollywoodien de la scénarisation, Syd Field. Et pourquoi pas? Mais, alors que la relation maître-étudiant, qui s’inverse graduellement au cours du film, constitue le coeur de l’histoire, et son aspect le plus intéressant, Finding Forrester se perd dans les dédales de personnages secondaires mal développés, et placés là pour des raisons strictement scénaristiques. En professeur jaloux et revanchard, F. Murray Abraham est sur le pilote automatique dans cet énième rôle de méchant, pâle copie de celui de Salieri dans Amadeus; et Anna Paquin joue les utilités romantiques en riche étudiante éprise du jeune prodige.
En écrivain misanthrope, entre Howard Hugues et J. D. Salinger, Sean Connery a de la prestance, de l’émotion et de l’humour. Pas de surprises de ce côté-là. La révélation du film, c’est Robert Brown, jeune Black de 16 ans, qui tient ici son premier rôle. En général, les acteurs (les acteurs, pas les stars…) préfèrent jouer des salauds plutôt que des héros: plus de viande autour de l’os, plus de complexité, plus de jeu. Doté d’une vraie présence, Robert Brown est d’autant plus impressionnant qu’il ne force jamais la note dans ce rôle de bon garçon qui, face aux épreuves, devient encore plus intègre, plus mature, plus droit. Chaque scène entre les deux comédiens est un vrai régal, et c’est grâce à eux que la séquence finale, prévisible, est aussi efficace. Cela dit, Finding Forrester montre bien que lorsqu’on veut être "gentil avec le public", ça donne un film gentil. On était en droit d’attendre plus d’un cinéaste qui, avec To Die For, a prouvé qu’on peut être original et hollywoodien, sans être gentil à tout prix.
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