Drôle de Félix : Voyage en douce

Dans leur superbe premier film, Jeanne et le garçon formidable, Jacques Martineau et Olivier Ducastel avaient réussi à concocter une comédie musicale moderne, plus Jacques Demy que Gene Kelly, sur une jeune Parisienne tombant amoureuse d’un séropositif. Avec Drôle de Félix, ils réitèrent l’exploit, en traitant un sujet grave avec une insouciance insolente, et en renouvelant un genre aussi balisé et miné que le musical: le road movie.

Plus près d’une chanson d’Yves Montand que d’Easy Rider, Drôle de Félix suit le périple d’un séropositif de Dieppe (formidable Sami Bouajila) qui descend à Marseille retrouver un père qu’il n’a jamais connu. Son chum (Pierre-Loup Rajot) resté à la maison, le pèlerin dilettante s’inventera une famille reconstituée au gré des rencontres: un "neveu" adolescent et curieux des choses de la vie; un beau "cousin", amateur de cerfs-volants et d’ébats champêtres; une "grand-mère" lucide et sans détour (Patachou); et une "soeur" haute en couleur (Ariane Ascaride), flanquée de trois enfants de pères différents.

Sans être le vrai sujet du film, le sida, à l’heure de la trithérapie, colore chaque instant du voyage de Félix, et son ombre funeste ne rend que plus éclatante la brillance des moments heureux. S’ouvrant sur Tout doucement, délicieux morceau de Blossom Dearie, cette comédie tendre, en Cinémascope, épouse parfois de trop près la nonchalance inquiète de son protagoniste, mais Jacques Martineau et Olivier Ducastel confirment ici un ton où la pudeur et la classe le disputent à une vitalité et une vraie légèreté, qui charment au plus haut point. Un délice.

Voir calendrier
Cinéma exclusivités