Né en Absurdistan : Valse viennoise
Cinéma

Né en Absurdistan : Valse viennoise

Lors des dernières élections en Autriche, les émigrés turcs se sont sentis bien petits dans leurs souliers. C’est que la voix populaire s’est prononcée pour une extrême droite qui n’a pas la réputation de chérir les étrangers.

Lors des dernières élections en Autriche, les émigrés turcs se sont sentis bien petits dans leurs souliers. C’est que la voix populaire s’est prononcée pour une extrême droite qui n’a pas la réputation de chérir les étrangers. Du coup, certains Autrichiens ont de plus en plus osé afficher leur mauvaise humeur vis-à-vis de l’exilé. Pour signifier ce différend racial à l’écran, le cinéaste d’origine iranienne Houchang Allahyari y est allé d’une idée singulière. Partant du précepte que l’intolérance est un sentiment vil et mesquin, Né en Absurdistan postule qu’il est aberrant de juger l’autre sur des origines qu’il n’a pas choisies. Psychiatre de profession, Allahyari, qui vit en Autriche depuis plus de 20 ans, signe ainsi un scénario machiavélique qui redonne justice au hasard des naissances et des existences.

D’un côté, nous avons un couple de bourgeois viennois. Lui (Karl Markovics), bureaucrate affecté au refoulement des clandestins. Elle (Julia Stemberger), enceinte jusqu’aux dents. De l’autre côté, un couple turc (Ahmet Ugurlu et Meltem Cumbul) exilé en Autriche depuis 10 ans, mais au statut toujours aussi vague. Le hasard fait que les deux femmes accouchent à peu d’intervalle et dans la même chambre. La situation ne manque pas d’ailleurs d’agacer l’Autrichienne qui ordonne que l’on chasse l’étrangère des lieux. Le ton monte, les esprits s’échauffent, et dans la confusion, les deux poupons sont interchangés. Les mères cajoleront pendant trois mois le rejeton de l’ennemi.

Lorsque le doute se met à planer sur l’identité des bébés, il est déjà trop tard, car les Turcs ont fini par être déportés. Ne reculant pas devant si peu, les Autrichiens mettent aussitôt les voiles pour la Turquie. Là-bas, le dépaysement sera brutal et sans pitié. À leur tour de bégayer les syllabes d’un dictionnaire; à leur tour de goûter au sentiment d’étrangeté. Les difficultés seront à la mesure de leur mépris. Au terme de l’histoire, la mise en scène bien huilée mènera, on l’avait deviné, à une reconnaissance des torts. Si la proposition fait sourire et que les images séduisent (une esthétique résolument iranienne), on reprochera tout de même au film une philosophie bon enfant. Un film qu’il faut voir avec un regard naïf; car on se doute qu’il faut plus qu’un échange de bébés pour gommer l’intolérance…

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