Shadow of the Vampire : Bon sang
Cinéma

Shadow of the Vampire : Bon sang

En 1921, alors que la veuve de Bram Stoker lui interdit d’adapter Dracula, Murnau change les noms des lieux et des personnages, et tourne Nosferatu, classique de l’expressionnisme allemand, dans lequel Max Schreck compose un vampire plus vrai que nature.

En 1921, alors que la veuve de Bram Stoker lui interdit d’adapter Dracula, Murnau change les noms des lieux et des personnages, et tourne Nosferatu, classique de l’expressionnisme allemand, dans lequel Max Schreck compose un vampire plus vrai que nature. Un film mythique, un tournage houleux, un acteur dont on ne sait pas grand-chose, un cinéaste tourmenté, mort prématurément en 1931: il n’en fallait pas plus à Steven Katz pour écrire le scénario de Shadow of the Vampire, comédie noire, film d’horreur, et réflexion sur la création, qui montre le tournage de Nosferatu, en supposant que Max Schreck était un vrai vampire, et que Murnau était le seul à le savoir!

Avec un sujet pareil; avec le scénariste d’une des moutures d’Interview with a Vampire; avec un cinéaste, E. Elias Merhige, qui s’est fait les dents sur les vidéos de Marilyn Manson; avec John Malkovich, spécialiste des rôles tordus, dans la peau de Murnau; avec Udo Kier, acteur-culte, qui a donné autant dans le vampire "cheap" que dans Warhol, en producteur louche; et avec Willem Dafoe, grimé et grimaçant, en vampire à l’ego plus grand que son cercueil: Shadow of the Vampire avait de quoi faire saliver. À l’arrivée, on reste un peu sur sa faim, amusé, mais frustré par ce pari à moitié tenu, cet hommage sincère, mais malhabile, au cinéma, cette comédie d’horreur qui dépasse rarement le second degré.

Reprenant à son compte l’esthétique expressionniste, Merhige soigne ses images, scrute les visages convulsés de ses acteurs, et s’amuse visiblement à montrer que, du cinéaste et du suceur de sang, le plus vampire des deux n’est pas celui qu’on croit. Mais le message a la lourdeur d’un devoir d’élève appliqué, sans le pouvoir d’évocation des maîtres qui l’ont inspiré – voir la scène où Max Schreck contemple les images d’un soleil qu’il ne pourra jamais voir.

Reste Willem Dafoe, stupéfiant dans un rôle casse-gueule. Camouflé par un maquillage qui le rend méconnaissable, engoncé dans un costume étroit, limité à quelques phrases de dialogues, le comédien transcende les prothèses et le grotesque de son accoutrement pour faire surgir toute la douleur, la tendresse, la cruauté, et même l’humour de son personnage. On n’avait pas vu ça depuis John Hurt dans The Elephant Man

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