Une affaire de goût : Fine cuisine
Frédéric Delamont (Bernard Giraudeau) est un industriel au sommet de la gloire. Dans un restaurant, il rencontre Nicolas Rivière (Jean-Pierre Lorit), dont il fait son goûteur personnel.
Frédéric Delamont (Bernard Giraudeau) est un industriel au sommet de la gloire. Dans un restaurant, il rencontre Nicolas Rivière (Jean-Pierre Lorit), dont il fait son goûteur personnel. Le rapport professionnel entre ces deux fines gueules va déraper vers la fascination, le mimétisme et la folie. "En fait, c’est la rencontre de deux fragilités. Et je voulais que la souffrance de ces deux êtres (celui qui rêve d’un autre lui-même et celui qui perd son identité) s’apparente à l’aliénation sadomasochiste, mais sur le rituel culinaire", explique, avec beaucoup de justesse, Bernard Rapp, réalisateur d’Une affaire de goût. Rapp, ex-star du petit écran français dans les années 80, ressemble à ses films (Tiré à part, un thriller littéraire): un dandy aimable et érudit, mais curieux des comédies de la nature humaine, et visiblement à l’aise dans un univers de manipulation.
La gastronomie est nécessaire à l’histoire, mais elle est aussi un prétexte pour masquer la construction d’une relation passionnelle tordue, où le prédateur-séducteur n’est pas celui que l’on croit. Le vernis d’élégance à la française, celui de la bonne bourgeoisie que Bunuel ou Chabrol ont dégradé à loisir, prend ici les reflets de la laque japonaise: un style épuré, un ton feutré, aussi zen que dangereux. Et Rapp combine avec talent cette séduction vénéneuse au suspense et aux règles du film noir, rendant ainsi un humble hommage à Hitchcock. Dans le rôle de l’homme d’affaires, Giraudeau est parfait de machiavélisme et de sensualité. Un rien Fu Man Chu. Démoniaque la plupart du temps, il est éclatant dans une scène-clé à l’hôpital. "Il a tout de suite voulu faire le film, il avait une volonté d’aller au bout de cette histoire", ajoute le réalisateur, aussi fier d’avoir, le temps d’une scène, un Jean-Pierre Léaud attentif en juge d’instruction.
Rapp aime la mécanique des relations. Mais dans certaines mécaniques trop bien rodées, on souhaiterait parfois un petit grain de sable, histoire d’accrocher sur les personnages et de nous mystifier encore plus. Frédéric et Nicolas nous laissent de glace, malgré une progression très habile de leur relation. Afin de poursuivre l’analogie culinaire, Une affaire de goût serait un plat servi froid, parfaitement bien dosé et savoureux, mais dont on ne reprendrait pas deux fois. Comme une soupe aux huîtres, avec mini-blinis au caviar, spécialité de Philippe Chavent, chef renommé de La Tour Rose, à Lyon, dont la brigade, blanche et policée, s’agite au générique de ce film d’esthète. Très chic.
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