The Yards : Mafia boy
Cinéma

The Yards : Mafia boy

Son premier film avait jeté tout le monde sur le dos. C’est que personne ne l’attendait, ce fils du Queens qui signait, il y a six ans, Little Odessa, un titre incontournable du cinéma indépendant américain. JAMES GRAY nous revient avec The Yards, une oeuvre qui mérite qu’on s’y arrête.

À la sortie de Little Odessa, les Français avaient sombré dans un délire d’éloges pour James Gray; et puis, ils ont fini par retrouver leurs esprits le printemps dernier, lors de la présentation de The Yards au Festival de Cannes. Là, certains se sont dits déçus par la dernière oeuvre du réalisateur et ont renvoyé l’enfant prodige chez lui, les mains vides. Et pourtant, malgré un scénario plus racoleur, le film recèle bien des merveilles à qui prend le temps de s’y attarder. Il existe en effet une inquiétante absence de compassion, dans ce conte de la trahison et de l’égoïsme.

Leo est un héros tragique: criminel presque par bonté, méchant par défaut. Le rôle est ici solidement mené par Mark Wahlberg. Malgré une coiffure sur le côté qui lui fait une tête bulbeuse, Wahlberg présente tous les atours de l’honnête homme. Ce jour-là, Leo sort de prison après avoir purgé une peine que ses complices, peu affectés, l’ont laissé endosser sans remords. Amer mais volontaire, Leo confie son désir de revenir sur le droit chemin. Sa mère (Ellen Burstyn), éprouvée par la péripétie carcérale, ne demandait pas mieux. Et c’est tout naturel que Leo se retrouve dans le bureau de son oncle (James Caan), président d’une compagnie de chemins de fer.

Une proposition pour devenir machiniste le laisse plutôt froid. Leo préfère grimper les échelons en courant comme semble l’avoir fait Willie (Joaquin Phoenix en bad boy chic), son ami d’enfance et amant de sa cousine (Charlize Theron). Un bref séjour à ses côtés lui révèle avec effroi tout un réseau de corruption jumelé à d’imposantes opérations de sabotage dans les entrepôts du concurrent. Leo a à peine le temps de comprendre la situation, qu’il se retrouve impliqué dans une affaire de meurtre. Sentant la menace planer, sa famille le renie. Désormais, c’est chacun pour soi.

Si, de nos jours, l’institution de la famille affiche un air moribond, James Gray aime bien la scruter de proche. De si proche que c’en est gênant. Dans son rejet des discours artificiellement conciliants, le cinéaste se plaît à montrer la rupture des dialogues et le déliement des liens. Mais il s’applique également à exprimer l’amour filial qui relie viscéralement tout homme à sa mère. Et, curieusement, dans ses deux films Gray présente des mères agonisantes et des fils fugitifs obsédés par l’urgence de revoir leur génitrice, comme dans une quête inconsciente de rédemption. Dans les univers mafieux de Gray, la violence des sentiments dépasse de loin celle des actes posés. Dans une esthétique glauque et terreuse, qui rappelle celle des grands films américains des années 70, les victimes croulent sous les balles mais les éliminations physiques sont presque secondaires devant l’odieux du rejet social.

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