Fast Food, Fast Women-Amos Kollek : Femmes en question
Cinéma

Fast Food, Fast Women-Amos Kollek : Femmes en question

Après Fiona et Sue, le réalisateur AMOS KOLLEK prend le pari plus léger d’une comédie new-yorkaise entre Cassavetes et Woody Allen, première manière. Et avec ANNA THOMSON, toujours aussi attachante.

À force de vouloir porter des talons aiguilles, Bella n’en finit plus de tomber. Belle entrée en matière pour un film qui croque sur le vif quelques New-Yorkais tombant de diverses façons, mais surtout en amour.

Il y a donc Bella (Anna Thomson), serveuse dans un diner de Manhattan, qui, à 35 ans, est toujours à la recherche du prince charmant. Ce sera peut-être Bruno (Jamie Harris), un écrivain qui fait le taxi, père de deux jeunes enfants, et qu’elle a rencontré par l’entremise de sa mère (Judith Roberts). Autour de ce canevas assez lâche gravitent une prostituée qui bégaie (Angelica Torn), une veuve qui a l’audace des grands timides (Louise Lasser), et un trio de retraités encore verts: le premier, plutôt tranquille (Austin Pendleton); le second (Robert Modica), amoureux de la veuve joyeuse; et le troisième (Victor Argo), épris d’une sculpturale danseuse de peep-show (Valerie Geffner).

Écrit et réalisé par Amos Kollek, Fast Food, Fast Women est le versant lumineux de Sue perdue à Manhattan, huitième long métrage d’un cinéaste qui dut attendre l’âge de 50 ans avant de jouir d’une certaine reconnaissance. Rencontré lors du Festival du nouveau cinéma, Amos Kollek explique ainsi sa notoriété tardive. "Mon père a été un maire important de Jérusalem, et il m’intimidait beaucoup. Pendant longtemps, j’ai eu le sentiment que les gens me parlaient ou que je pouvais faire des films parce que j’étais le fils d’un homme célèbre. Et puis, venant du monde de l’écriture, je ne connaissais rien au cinéma. Pour ces deux raisons, j’ai commencé à faire des films de façon assez hésitante, en me demandant un peu ce que je faisais là. En fait, Sue a été le premier film que j’ai fait sans écouter ce que me disaient des gens expérimentés. Ç’a été un point tournant pour moi. C’est aussi peut-être parce que mon père n’était plus maire… Ça a donné de bons résultats, et j’ai continué à suivre mon instinct."

Il a bien fait, puisque Sue – et Fiona, film destroy sur la prostitution, encore avec Anna Thomson, toujours pas distribué à Montréal -, ont révélé un cinéaste dans la lignée d’un Cassavetes: liberté de ton, construction organique, vigueur teintée de pessimisme et amour des acteurs. Avec Fast Food, Fast Women, Kollek ajoute une couleur à sa palette, façon Woody Allen première période. "Il y a un peu d’humour dans Sue, mais c’est un film sombre. Ici, c’était une approche plus légère. Sue était le portrait d’une femme qui meurt de solitude. Ici, ce sont des gens qui trouvent l’amour – avec difficulté, avec des obstacles, mais ils le trouvent."

Partageant sa vie entre Jérusalem et New York, le cinéaste dit être stimulé par la métropole américaine, et y trouver beaucoup de bons acteurs. "Soixante-dix pour cent de la réussite d’un film est dans le scénario et le choix de acteurs. Je prends beaucoup de temps pour choisir le bon acteur pour le rôle. Après ça, j’essaie de rester très près du scénario et des dialogues. Je n’improvise pas du tout." Dans Fast Food, Fast Women, on est servi en qualité de jeu. D’abord Anna Thomson, ici plus Betty Boop décalée que Gena Rowlands tragédienne, toujours aussi attachante; mais aussi Louise Lasser, découverte dans les premiers films de Woody Allen, émouvante et drôle en sexagénaire réveillée par le désir; Jamie Harris (fils de Richard), parfait en gars ordinaire, ni salaud ni héros; et plusieurs acteurs new-yorkais méconnus, tels que Robert Modica, savoureux en vieux beau, effarouché et troublé par la possibilité d’un nouvel amour.

Mosaïque de personnages bien dessinés, Fast Food, Fast Women aborde, entre autres, un sujet plus tabou qu’on ne le croit, la sexualité des personnes âgées, et le fait avec une justesse, une drôlerie et une pudeur remarquables. Dans ce domaine, comme dans les autres, le film est "démocratique" dans le refus qu’il a de hiérarchiser – sans non plus les aplanir – les âges, les espoirs, les doutes, et le quotidien de ses personnages. Il n’y a pas de petits ou de grands sujets, seulement la vie qui va.

Quant au titre, on pourrait chercher longtemps son sens, dans ce film qui, hormis son rythme soutenu, n’a rien d’une apologie, ou même d’une critique, de la société de consommation. "À l’origine, le titre n’avait rien à voir avec le film, confie le cinéaste. Je me suis dit que ce serait très drôle d’ouvrir un genre de MacDo avec des serveuses sexy à Jérusalem, parce qu’on le fermerait dans les 24 heures! J’ai gardé le titre, et j’ai rajouté ce qui se passe à la fin du film pour justifier le titre!" Que se passe-t-il au juste? À vous de le découvrir…

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