Images du Nouveau Monde : Beautés américaines
Fort heureusement, il n’y a pas que l’économie qui subit le phénomène de la mondialisation. Il n’est donc pas surprenant de constater l’émergence d’événements mettant précisément le doigt sur la production artistique des Amériques. C’est le cas d’Images du Nouveau Monde qui concentre son énergie sur la récente filmographie du Nouveau Continent.
Membre du jury pour cette seconde édition de l’événement, James Hyndman commente le choix des organisateurs de ce festival et se prononce prudemment sur la singularité du contenu des films du Sud: "J’ai l’impression que le festival Images du Nouveau Monde fait quelque chose d’assez inusité en mettant l’accent sur le cinéma des Amériques. Même si j’ai vu beaucoup plus de films européens et asiatiques que de films sud-américains, je crois qu’il y a [dans cette cinématographie] un contenu social et politique toujours très présent, quelque chose qu’on voit de moins en moins ici…" Lieux communs ou non, il s’agit tout de même d’un aspect incontournable du cinéma latin de notre continent qui, sans seulement détenir un accent d’exotisme, éveille aussi la conscience sociale.
Longtemps tributaires des productions et des critiques de la métropole européenne, les cinéastes du Nord découvrent aujourd’hui une voix à laquelle ils peuvent enfin répondre. Une marginalité culturelle qui peut être associée à un passé historique commun. Marie Gignac, de par son métier, connaît bien la production théâtrale des pays d’Amérique du Sud. À même de pouvoir constater le phénomène, cet autre membre du jury, qu’on connaît surtout pour son travail avec Robert Lepage et le Carrefour international de théâtre de Québec, établit certains paramètres humains qui rapprochent ces Amériques, pourtant divisées par la répartition des richesses et une culture bipolaire: "Ce qu’on a en commun, c’est d’être des descendants de colonisateurs, des peuples jeunes. Il y a aussi un complexe d’infériorité par rapport à l’Europe ici et dans les pays latino-américains. De plus, nos façons de nous exprimer et de faire la fête sont semblables, se rapprochent beaucoup."
Quoiqu’ambiguë, cette étroite relation culturelle qu’entretient le Québec avec le reste de l’Amérique permet une nouvelle forme de comparaison. Notre cinéma est-il en santé et s’inscrit-il en ligne avec la production des autres pays? Une autopsie sans cadavre. James Hyndman songe, pèse le poids de ses mots et s’avance: "Honnêtement, je peux dire que le cinéma québécois fait face à de grandes difficultés. Peut-être à cause des mécanismes et du système de production. C’est un cinéma à 100 % subventionné et un système au sein duquel des institutions gouvernementales jouent un rôle prépondérant. Notamment dans la relecture des scénarios. Je crois que la grande faiblesse du cinéma québécois est dans le scénario, j’ai pas de mal à le dire." Marie Gignac, quant à elle, dresse un bilan plutôt positif compte tenu des moyens du bord: "On se débrouille vachement bien avec ce qu’on a. C’est compliqué de tourner un film au Québec. Pour le financement, il faut se battre, passer par toutes sortes de machines et de bureaucraties." Tous deux s’entendent parfaitement pour affirmer qu’"il ne s’en fait pas assez".
Fascinés par l’expérience qu’ils s’apprêtent à vivre aux côtés de Guylaine Dionne, cinéaste qui occupe l’un des espaces de ce triumvirat de jurés, Hyndman et Gignac trépignent littéralement à l’idée de se retrouver au sein de ce petit cirque cinématographique. Le premier évoque "la magie du noir" de la salle de cinéma alors que la seconde mentionne les concepts d’"émotions esthétiques" et de proximité avec le réel. Hyndman conclut à propos de la liste des films en compétition: "Y’a beaucoup de films là-dedans qui ne me disent rien du tout. C’est ça, le bonheur de la chose… Tu découvres un tas de films, d’un tas d’auteurs dont tu n’avais jamais entendu parler."
Du 7 au 11 mars
En différents lieux
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Signs and Wonders de l’Américain Jonathan Nossiter sera présenté en tant que film d’ouverture d’Images du Nouveau Monde.Convaincu qu’il est guidé par des signes du destin et des prémonitions, Alec Fenton (Stellan Skarsgard) mène une existence plus ou moins erratique. Dans une série de décisions inspirées par ces signes, il quitte sa famille (Charlotte Rampling y joue sa femme) pour y revenir, penaud, et constater les dégâts. Avec Signs and Wonders, non seulement Jonathan Nossiter signe un film dont le sujet est à la limite du mysticisme, mais il le fait dans une forme scénaristique (le thriller psychologique) qui impose l’implication. Au rythme incertain d’un montage tantôt vif, tantôt lâche, des images qui mettent l’accent sur l’espace entre les personnages défilent avec l’histoire, intrigante et profondément troublante. «Nous avons tous cette obsession de vouloir attribuer un sens à tout ce que les gens disent, ce qu’on voit ou ce qui nous arrive», explique Nossiter de sa résidence de New York. «S’il m’a dit cela, est-ce que ça veut dire ceci et irai-je en voyage la semaine prochaine si c’est le cas et ainsi de suite, vous comprenez? Mais qu’arrive-t-il si on dérape, si on ne se met pas de limites et qu’on se laisse complètement aller dans le mystère du sens des choses? L’intérêt du film est de voir quelles sont les conséquences de ces obsessions.»L’étrangeté des personnages de Signs and Wonders n’est pas sans éveiller une certaine forme d’angoisse. Celle-ci se mue, grâce au rythme incongru et à la musique répétitive, en un inconfort qui se révèle la prémonition d’événements tragiques… (D.D.)