Enemy at the Gates : Le petit soldat
Cinéma

Enemy at the Gates : Le petit soldat

Ça commence plutôt bien. Des soldats de l’Armée rouge sont chargés comme du bétail à bord d’un train en direction de Stalingrad. Le convoi s’arrête, on les pousse hors des wagons, et ils ont un mouvement de recul: ils se trouvent au bord de la Volga, la ville est en ruine, le fleuve charrie des  cadavres.

Ça commence plutôt bien. Des soldats de l’Armée rouge sont chargés comme du bétail à bord d’un train en direction de Stalingrad. Le convoi s’arrête, on les pousse hors des wagons, et ils ont un mouvement de recul: ils se trouvent au bord de la Volga, la ville est en ruine, le fleuve charrie des cadavres. Ils traversent en bateaux servant de cibles aux Stuka. Les soldats qui se jettent à l’eau pour échapper aux tirs sont immédiatement tués par leurs supérieurs. Pas de déserteurs. Une fois sur l’autre rive, hébétés, les survivants se retrouvent dans la mêlée; mais il n’y a pas assez de fusils et de munitions pour tous… Une entrée en matière solide, où les soldats ne sont que chair à canons comme dans Saving Private Ryan. Mais Jean-Jacques Annaud n’a pas l’oeil de Spielberg. Et il a noyé sa scène dans un bain musical insupportable signé James Horner, celui qui a mis des violons sur le Titanic.

Hitler veut absolument assiéger cette ville symbolique. Mais le commissaire politique Khrouchtchev ne lâchera pas. La bataille de Stalingrad a marqué le début de la fin pour la conquête nazie, mais ce fut aussi une énorme boucherie. En 1942, les troupes russes sont démoralisées, il leur faut un héros. Vassili Zaitsev, berger de l’Oural et tireur d’élite, le deviendra. Son arme est maintenant au musée de la ville. De l’histoire vraie du sniper héroïque, William Craig a fait un livre prenant, Enemy at the Gates; et Jean-Jacques Annaud, un film d’une platitude étonnante.

Tellement dommage… On aurait vraiment souhaité une saga épique genre Guerre et Paix; du lyrisme romantique à la Docteur Jivago; la lutte des classes à la Reds; n’importe quoi, mais pas ça! Et la bataille de Stalingrad, quel sujet! Il y avait tout le matériel (et l’argent) pour orchestrer un grand film autour du sniper pauvre (Jude Law), amoureux d’une jolie combattante (Rachel Weisz), et qui devient un mythe monté par le camarade journaliste Danilov (Joseph Fienes). Comme l’adresse de Vassili mine les troupes allemandes, on fait venir le Major Konig (Ed Harris), tireur d’élite de la noblesse, afin de l’exterminer. Et c’est la lutte des classes à travers le viseur d’un fusil. Grandiose!

Mais Annaud est un piètre réalisateur habité par la folie des grandeurs (La Guerre du feu, L’Ours, L’Amant). Ici, hormis pousser le lieu commun, il est incapable de mettre en valeur le jeu de ses acteurs, de choisir des dialogues qui soient autre chose que des redondances de l’image, de recréer un réalisme crédible, et de donner un semblant d’émotion et de souffle à cette histoire. Qu’est-ce que c’est que cette amourette à trois sous? Où est-elle, la tension des classes? Quelqu’un a-t-il vraiment senti l’épuisement des armées, les enjeux stratégiques de cette ville, le glas que sonne toute guerre? Ed Harris joue comme Schwarzenegger; Jude Law est rigide; Joseph Fiennes a les expressions d’un plat de nouilles; et l’on suit d’un oeil morne les déplacements des duels d’un lieu à un autre, rencontres de plus en plus invraisemblables découpées en plans prévisibles.

Sauvons du naufrage la scène où des avions pilonnent la ville déjà en miettes, et le charisme de Bob Hoskins en Khrouchtchev. Une Vodka, ça presse…

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