Un soir au bar McCool's / Va te faire foutre Freddy : Le rire américain
Cinéma

Un soir au bar McCool’s / Va te faire foutre Freddy : Le rire américain

Humour en panne, sexe en berne, vulgarité et violence en hausse, facilité sur tous les points: l’humour US vole très bas ce printemps…

Qu’est-ce qui se passe encore? Rien, docteur, les films drôles ne sont pas marrants. Et quand on aime le cinéma et la rigolade, on ne rit plus… Hypothèses à retenir sur les causes du mal: dilution du délirant depuis Pulp Fiction et extension du vulgaire depuis Dumb and Dumber. Marketing généralisé, culture au panier, segmentation générationnelle, régression adolescente remarquée, voire infantilisation galopante: le virus grandit avec force. Et pollue l’atmosphère. Car, vu leur nombre et la grandeur des écrans, il est difficile de les ignorer. Alors quoi? Il faut vraiment séparer le rire des moins de 20 ans de celui des autres? Nos portefeuilles n’ont pas la même valeur? Nous ne sommes plus assez intelligents pour rigoler ensemble?

Comme drôleries récentes de nos voisins, nous avons eu 3000 Miles to Graceland, Dude, Where’s My Car?, The Company Man, Tom Cats, et Crocodile Dundee in Los Angeles. D’un point de vue cinématographique, c’est franchement dégueulasse. Du point de vue business, ça roule. Selon le magazine Variety, en tête du box-office durant le dernier week-end, on retrouve dans les 10 premières places: Va te faire foutre Freddy, Joe Dirt et Crocodile Dundee. Tom Green, David Spade et Paul Hogan: voici les héros lobotomisés de l’Amérique de George W. Bush. Sur les bras, nous avons actuellement Un soir au bar McCool’s et Va te faire foutre Freddy. Du pas très bon au pire que pire. Aperçu d’un phénomène.

Un soir au bar McCool’s
Un soir au bar McCool’s est signé Harald Swart, un Norvégien émigré à L.A. Une flèche en pub, paraît-il. En guise de premier long métrage, il propose une comédie déliée, un tiers kitsch, un tiers cul, un tiers violence. Pour un total qui fait flop. Même si Michael Douglas est aux commandes de la production, et qu’il joue un rôle plutôt amusant de tueur à gages ringard avec banane et dentier, One Night at McCools est un édulcoré de la tendance pulp. Trois points de vue différents d’une même histoire sont racontés (soyons branchés façon Soderbergh ou Altman, et cachons une mise en scène lambda), et ces angles sont découpés de façon simplissime, afin de pas trop perturber le spectateur. Matt Dillon en barman abruti et gentil; John Goodman en flic catho; et surtout Paul Reiser en avocat surfait et sadomaso s’avèrent crédibles. Par contre, Lyv Tyler, l’objet de leur désir, a beau avoir pris les courbes de Gina Lollobrigida, elle n’a pas l’ossature de la femme fatale. Pas assez dangereuse, la petite. Et pas assez sulfureux, ce film: on l’imaginait, via bandes-annonces, chargé de dynamite. Mais on l’a maîtrisé, ramené au centre, pour plaire à tous: on dose la violence (en finale, et dans les plumes); le sexe est malhabile (un machisme caricatural, une tenue latex, un bon mot chez un psy, un curé chaud lapin, pas de seins, juste des soupirs), et on saupoudre le tout de couleurs mauves et roses, très tendance. Pas de dérapage, pas de surprises, et surtout pas d’imagination. Grande déception également dans les dialogues fades, plats, et peu fouillés. On veut titiller sans choquer; c’est la vision de la marge selon Wal-Mart. À côté, Cookie’s Fortune, de Robert Altman, également avec Lyv Tyler, était de beaucoup plus inventif.

Va te faire foutre Freddy
De l’autre côté du spectre comique, le verbe titiller n’a plus cours. Avec Va te faire foutre Freddy, on cherche la révulsion. Et en soi, le phénomène Tom Green n’est pas inintéressant: il est le déversoir de toutes les tendances réunies. Pas d’effort, pas de finesse, pas de goût, pas d’intelligence; juste des scènes les plus choquantes possible collées les unes aux autres, reliées entre elles par un grand imbécile qui a plus du singe hurleur que de l’homo sapiens. On peut rire de tout, et il faut du talent. Celui de Green est de faire de l’argent en nous faisant croire qu’il est un demeuré complet, alors qu’il est l’acteur très conscient d’un retour du balancier; celui de l’anti-politiquement correct. Ce qui lui permet n’importe quoi: une handicapée masochiste qui ne pense qu’à sucer, un enfant qui se fait défoncer la tête à chaque scène (Kenny dans South Park?), un cheval qu’on masturbe, un éléphant qui éjacule, sans parler de l’inceste, d’un bébé qui swingue au bout de son cordon ombilical et d’une carcasse de cerf qu’on trimballe. Beaucoup de sang, beaucoup de bruit… Et peu de rires dans la salle. Juste des bouches ouvertes, estomaquées devant les effronteries. Après les frères Farelly, il fallait monter (ou descendre) d’un échelon dans la confrontation, en frôlant le genre gore. Bref, cet humour sans joie, furieux ou mal conçu est à la mode; attendons avec espoir qu’il passe.

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