Calle 54 : X-Men
Cinéma

Calle 54 : X-Men

Fernando Trueba rend hommage. Un hommage, ça ne peut pas ressembler à autre chose qu’à un bien-cuit, à un album d’idoles. Trueba, réalisateur espagnol de Belle Époque, ouvre son livre d’or personnel, ce qui n’est pas un crime de lèse-intimité, car ceux qui figurent dans Calle 54 sont les plus grands musiciens du jazz latino.

Fernando Trueba rend hommage. Un hommage, ça ne peut pas ressembler à autre chose qu’à un bien-cuit, à un album d’idoles. Trueba, réalisateur espagnol de Belle Époque, ouvre son livre d’or perso, ce qui est n’est pas un crime de lèse-intimité, car ceux qui figurent dans Calle 54 sont les plus grands musiciens du jazz latino. Pas d’explications superflues, pas de mise en scène complexe; on passe de l’un à l’autre des musiciens avec, en guise de présentation, un petit mot de l’auteur qui tourne autour du compliment: "Chaque fois que je l’entends jouer, c’est un miracle" ou "C’est la touche élégante du jazz latin". Quelques minutes durant lesquelles le musicien déambule librement, dans un décor familier, avant de proposer son art: fond uni d’un studio, vêtements en accord, et caméra souple qui suit sans arrêt les envolées jazzistiques de ces messieurs dames. Avant la performance, ces jazzmen (et woman, la Brésilienne Éliane Elias) sont des individus lambda, filmés en noir et blanc, sortant de chez eux, montant dans une calèche à Central Park, ou s’accoudant à la balustrade d’un bateau à Cadix. Mais dès qu’ils sont en scène, ils deviennent mutants. Ce sont des X-Men, la musique prenant possession d’eux. Gato Barbieri, l’air d’un évadé des années Austin Powers, un rien désabusé derrière d’immenses lunettes, laisse monter son sax alto dans des volutes étranges. Il redevient lui-même? Peut-être. Même chose pour Michel Camilo, que Trueba présente comme un musicien complet. Il sort de chez lui, une belle maison sous la neige, et marche, sans expression. Mais à son piano, il irradie. Et quand le morceau se termine, sans aucun applaudissement, son sourire est extatique. Pour Chano Dominguez, beau matador qui a réussi le difficile alliage entre flamenco et jazz, la différence n’est pas évidente, mais le morceau est somptueux. Tito Puente, le roi du mambo mort cette année, a la fierté du propriétaire: il dévoile une murale dans son restaurant-club, Tito Puente’s, où figurent tous ceux qui ont compté dans le jazz latino. Un hommage dans l’hommage. Une fois dans le studio, décor immaculé, costumes et cheveux blancs, le grand Tito se déchaîne de façon un peu mécanique, mais toujours avec son sourire fendu jusqu’aux oreilles. Touchants aussi, les Cubains Chucho Valdés et son père Bebo Valdéz, qui se racontent par pianos interposés.

Reste que Calle 54 swingue, mais ne vibre pas. La musique est divine, mais si proprement offerte qu’on embarque à demi. Coïtus interruptus: pas d’applaudissements, pas de partage, pas de sueur, pas d’excès. On dirait déjà une carte postale jaunie. Les gérontes de Buena Vista se démenaient de façon autrement plus humaine. Enfin, il y a bien un petit père avec sa casquette à carreaux bleus et blancs qui frappe comme un fou sur son bongo au milieu d’un groupe de musique afro. Terrible, le pépé…

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