Nora : That's amore!
Cinéma

Nora : That’s amore!

Un autre film de muse. Après le décevant Bride of the Wind sur Alma Mahler, voici Nora, sur l’amour et la muse de l’écrivain irlandais James Joyce. La réalisatrice Pat Murphy s’est inspirée de la biographie de Nora Barnacle, écrite par Brenda Maddox.

Un autre film de muse. Après le décevant Bride of the Wind sur Alma Mahler, voici Nora, sur l’amour et la muse de l’écrivain irlandais James Joyce. La réalisatrice Pat Murphy s’est inspirée de la biographie de Nora Barnacle, écrite par Brenda Maddox. Jeune fille de Galway, au tempérament trempé et au caractère libre, Nora (Susan Lynch) devient femme de chambre à Dublin. Elle croise le jeune et racé Joyce (Ewan McGregor): coup de foudre immédiat. Entre le chic écrivain et la simple servante, l’amour est chaotique. Ils partent commencer leur vie commune à Trieste en Italie. Il est paranoïaque et d’une jalousie insensée, elle est amoureuse. Il est obsédé par l’idée de ne pouvoir être publié en Irlande. Et elle subit les contrecoups de ses angoisses, souvent avinées, en s’occupant de leurs deux enfants. Dans le langage moderne, on appellerait ça un couple codépendant.

Superbes images signées Jean-François Robin (37,2 le matin), charme incroyable des décors et des costumes et quelques scènes bien tournées par deux acteurs solides font la grâce du film. Ils sont justes: lui qui mûrit avec morgue, passant de l’étudiant fougueux à l’homme soucieux, et elle dégageant le bon mélange d’élégance aristocratique naturelle et de bon sens terrien. La première scène de rencontre, dans l’ombre d’une rue, franche et coquine, donne même un excellent départ à cet amour sur pellicule.

Or, on peut se demander où tout cela mène. Pour comprendre à quel point la vie avec Joyce pouvait être complexe, il faut (ou il faut essayer de) lire Ulysse. Car le film, malgré son charisme, ne peut parvenir à retracer l’extrême bizarrerie de ce que pouvait sous-entendre vivre avec ce génie de l’écriture à l’aube du XXe siècle. Malgré tout le talent de McGregor, on ne peut qu’assister aux conséquences factuelles de ses tourments d’écrivain: ses allées et venues, ses coups de gueule, ses peurs puériles et ses beuveries. Joyce, l’auteur, reste hermétique. Et Joyce, l’amant et le père, n’est peut-être pas suffisant pour assurer l’existence même du film. Et l’on végète avec cette femme, en lisière d’un artiste sans trop comprendre. Au contraire de Pollock, on assiste à un début de vie à deux un peu remuant. Rien d’autre. Bien sûr, ce couple qui nous paraît moderne était formé de deux esprits atypiques, qui avaient une union sexuelle en béton, qui s’envoyaient des lettres érotiques, et qui n’ont eu que faire du mariage et des conventions sociales. Tout cela dans une Irlande puritaine, ce qui n’était pas rien. Mais sans la clé du mystère Joyce, on ne peut voir que l’auteur de The Dead menant la vie dure à bobonne. Le reste n’est que littérature, donc. La pellicule est sensible, mais pas à ce point-là.

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