The Curse of the Jade Scorpion : Miroir magique
Cinéma

The Curse of the Jade Scorpion : Miroir magique

C’était au temps où New York "newyorkait"; une époque où, au cinéma, on soulevait son chapeau mou devant des bas de soie. Passé si mythique et séduisant, en fait, que Woody Allen s’y englue avec délice. Dans son dernier film, The Curse of the Jade Scorpion, rien ne nous rattache au présent: de l’affiche à la moindre volute de cigarette, on baigne dans les années 40.

C’était au temps où New York "newyorkait"; une époque où, au cinéma, on soulevait son chapeau mou devant des bas de soie. Passé si mythique et séduisant, en fait, que Woody Allen s’y englue avec délice. Dans son dernier film, The Curse of the Jade Scorpion, rien ne nous rattache au présent: de l’affiche à la moindre volute de cigarette, on baigne dans les années 40. Pour un cinéaste qui a su être en osmose avec son temps (Manhattan, Annie Hall, Hannah and Her Sisters), le voilà de plus en plus retranché de l’actualité, préférant la comédie légère universelle et nostalgique aux préoccupations (toujours plus sombres?) de ses contemporains. Ce goût d’antan n’est pas récent, mais après Stardust Memories, Radio Days, Zelig, Broadway Danny Rose, Purple Rose of Cairo, et autres Bullets over Broadway, on s’entend pour dire que le filon s’épuise avec Sweet and Lowdown et Small Time Crooks, malgré le fait que cette dernière comédie soit un de ses plus grands succès au box-office.

Cependant… éventuellement dans du Woody en fin de course, il y a du bon. Et The Curse of the Jade Scorpion aurait même tendance à charmer en douce, hybride bon enfant entre The Big Sleep et Adam’s Rib. Dans cette comédie policière jazzée, le détective d’une compagnie d’assurance, C.W. Briggs (Allen) et sa supérieure, Betty Ann Fitzgerald (Helen Hunt), se détestent ouvertement, sauf quand ils sont sous l’emprise du scorpion de jade, un tour de magie de l’hypnotiseur Voltan (David Ogden Stiers): ils sont alors fous d’amour l’un pour l’autre. Mais le scorpion de jade n’a pas que des intérêts romantiques, et des vols de bijoux commencent à poser problème aux flics de la ville.

Rien à redire sur les décors de Santo Loquasto, les costumes de Suzanne McCabe et le filtre sépia de Zhao Fei: la patine de l’époque est impeccable. Il n’y a pas ce genre de fausses notes avec Allen. Et dans un univers aussi bien reconstruit, les entrées côté cour et les sorties coté jardin s’imbriquent à merveille. Chacun peut faire son numéro avec aisance: Dan Aykroyd, en Fred Mac Murray, a de la prestance, même s’il en fait un peu trop; Charlize Theron semble née au cinéma pour porter le déshabillé de satin et la mèche de Veronica Lake, et Elizabeth Berkley, en secrétaire Betty Boop, tombe pile dans la lignée des demoiselles appétissantes mais non consentantes. Helen Hunt fait mouche, héritière directe d’une Katharine Hepburn, femme de tête plus fine que dans What Women Want, capable de mener sa barque professionnelle, d’enfiler de la tequila au réveil et, bien sûr, de se morfondre sur le vide de sa vie sentimentale. Le hic reste Woody, plus Bob Hope en voie de momification que Bogart roulant des mécaniques, donnant l’impression qu’il va s’envoler au moindre coup de vent… Cependant, comme chaque fois, malgré cette fragilité (ou à cause d’elle), la force du duo n’en est que plus grande. Le couple Allen-Hunt est inusité, mais la chimie fonctionne. Et dans leurs scènes, les reparties sont aussi vivement lancées que rattrapées. Qu’une jeune et belle femme le traite de dinosaure et de vermine durant une heure trente, pour finir par succomber à son charme, cela serait sans doute un autre cas de divan pour Monsieur Allen; mais la séduction de ce film ne tient-elle pas à cette façon encore faussement désarmante, un rien vicieuse, et sournoisement intime, de nous faire partager ses soucis? Par exemple, ceux d’un vieux monsieur qui n’embellit pas et qui n’aurait plus que l’hypnose pour croire à l’amour? Ce serait peu élégant et surtout réducteur. Les feux de l’amour qui ne sont que fumée, et la grandeur de l’amour, si rare qu’elle n’apparaît que sous hypnose, ce désarmant subterfuge: c’est autrement plus swing…

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