Crème glacée, chocolat et autres consolations : Diabolo menthe
Cinéma

Crème glacée, chocolat et autres consolations : Diabolo menthe

À les regarder, certains films semblent ne rien apporter de nouveau, ou de particulier. Ils dévident leurs bobines sur un air connu. Qu’est-ce qui fait qu’on accroche? C’est cet air, justement, qui résonne de façon familière. Dans le cas de Crème glacée, chocolat et autres consolations, Julie Hivon a relativement bien rendu la petite musique du  quotidien.

À les regarder, certains films semblent ne rien apporter de nouveau, ou de particulier. Ils dévident leurs bobines sur un air connu. Qu’est-ce qui fait qu’on accroche? C’est cet air, justement, qui résonne de façon familière. Dans le cas de Crème glacée, chocolat et autres consolations, Julie Hivon a relativement bien rendu la petite musique du quotidien. Voici où nous en sommes: au tournant du siècle, dans une ville francophone d’Amérique du Nord, la génération des 20 à 30 ans, entre les études et le travail, l’amitié et l’amour. Un état qui, s’il apparaît comme imprécis, est surtout éphémère et fragile.

Suzie (Isabelle Brouillette), Sam (Danny Gilmore) et Judith (Jacinthe René) sont amis depuis l’enfance. Ils sont à l’aube des choix. Le film débute sur l’emménagement de Suzie. Autour d’eux, il y a une belle amoureuse (Geneviève Bilodeau), des parents exaltés (Serge Thériault et France Castel), des parents secrets (Dorothée Berryman et Claude Prégent), un amoureux guitariste (Clermont Jolicoeur) et un petit garçon qui sait prendre des crèmes glacées en guise de consolations (Louis-Philippe Dury). Une petite tranche de vie servie par des personnages étoffés, mais pas trop: "J’avais écrit une nouvelle où existaient déjà ces personnages, explique la réalisatrice, auteure du roman Ce qu’il en reste. Et je voulais les amener plus loin." Julie Hivon avait précédemment réalisé deux courts métrages avec la même touche sensible: Dans le parc avec toi et Baiser d’enfant. "Pour Crème glacée…, nous sommes au tournant, les études – où les étapes sont claires -, sont finies. La famille est à l’arrière-plan. Il y a beaucoup de possibles, mais il est difficile de choisir. Je traite d’une période confuse, mais je ne fais pas de constat générationnel: j’essaie d’être le plus personnelle possible. Je veux traduire mon sentiment à moi." Partant d’un amalgame d’impressions, d’histoires entendues et de souvenirs privés, la réalisatrice installe avec simplicité ces moments de vie, sans dévier vers une recherche de l’archétype de la jeunesse montréalaise. "En arrivant à Montréal, j’ai dû apprivoiser la ville, explique-t-elle. Dans mon premier appartement, j’entendais les voisins. Et j’ai pensé à cet appartement en tournant." Ancré dans la ville, Crème glacée… fait penser aux films impressionnistes de Cédric Klapisch, à Chacun cherche son chat (pour la solitude à apprivoiser, et le bonheur à portée de main), et, en mineur, à Un air de famille (pour le passé qui remonte à la gorge). Des petites chansons urbaines, ironiques et sentimentales, mais teintées d’amertume. Au quotidien, les amis rigolent et s’essaient à l’amitié amoureuse; mais sous le présent qui coule sans gros heurts, le passé gronde. Il a fait sa marque et revient sans qu’on le sonne. Julie Hivon se décrit comme quelqu’un d’optimiste, de serein, mais de préoccupé. "Je suis sensible à ce qu’il y a autour de moi, mais j’ai confiance en la force de la nature humaine, en cet instinct de survie…" Et son film lui est fidèle. À aucun moment elle ne laisse ses personnages se faire engloutir par ce passé souvent douloureux. Dans certaines séquences (une soirée de Noël qui tourne à l’aigre; une autre qui tourne à la bataille; une discussion orageuse entre le père et le fils), on joue avec le feu. Les cris sont forts, on est à deux doigts du mélodrame, mais il y a rattrapage. Souvent avec l’aide d’une Isabelle Brouillette vibrante juste ce qu’il faut.

Bien sûr, on se perd un peu en route, avec des histoires connexes qui diluent la sauce: comme celle de la copine exaltée (Jacinthe René), ou encore celle de cette mère qui veut être femme (Dorothée Berryman). Si le film fait de longs détours pour arriver à une fin que l’on sentait prévisible, la légèreté de la mise en scène et l’humilité du propos sont si peu communes que cela vaut la peine de s’y arrêter.

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