Rentrée cinéma : Premiers plans
Pour la rentrée, nous vous proposons quelques avant-coureurs de ce que l’automne nous réserve en matière de cinéma d’ici et d’ailleurs. Extraits de choix et segments en rafale.
Nos choix
Heist
Nous l’attendions! Parce qu’il nous a tourné un film sous le nez (à Montréal, l’été dernier) et surtout parce qu’il s’appelle David Mamet (House of Games, Glengarry Glen Ross, State and Maine). Heist, c’est encore une de ces histoires emberlificotées de malfrats et de quelques losers qui veulent être calife à la place du calife, et qui veulent courir, encore une fois seulement, après une tonne de billets. Qu’importent les soubresauts de ces trahisons à tiroir, l’important, c’est l’arrivée de Gene Hackman dans l’univers mamétien. L’important, c’est surtout une autre dose du rythme syncopé des dialogues de Mamet. Du grand génie et une raison majeure pour devenir bilingue… Avec Danny De Vito, Delroy Lindo et Rebecca Pidgeon. (J.R.)
La Pianiste
Michael Haneke a l’air d’un paisible instituteur, mais quand il s’agit de mettre des tourments à l’écran, il n’est pas le dernier. La Pianiste a beau être tiré d’un roman, Haneke signe un film d’auteur, des images déroutantes et une fabuleuse direction d’acteurs. Ce qui lui a valu à Cannes le Grand Prix du jury et un doublé de palmes pour Isabelle Huppert (meilleure actrice) et Benoît Magimel (meilleur acteur). Huppert joue le rôle d’une prof de musique classique à Vienne, tout ce qu’il y a de plus bourgeois. Cette femme, en relation ultra-conflictuelle avec sa mère (toujours incroyable Annie Girardot), fait craquer un jeune élève. Mais la vie sexuelle de la dame n’est pas simple: quand elle ne suit pas des gammes au piano, elle est dans les peepshows. Un grand numéro d’acteurs. (J.R.)
Va savoir
Quand les papys ont toute leur tête, cela donne encore de bien belles choses. Jacques Rivette a commencé à faire du cinéma en 1948, et le larron silencieux de la Nouvelle Vague, auteur de Céline et Julie vont en bateau et de La Belle Noiseuse gagne encore le pari d’une mise en scène soignée et évocatrice. On y parle d’amour et de hasard, dans le Paris d’aujourd’hui, avec le monde du théâtre en révélateur. Entre Pirandello et Goldoni, les coulisses et les drames de salon, Rivette, toujours avec l’aide scénaristique de Pascal Bonitzer, réussit un long film aussi léger que brillant, qui – une fois n’est plus coutume au cinéma – laisse place aux suggestions. Avec des acteurs de premier choix: Jeanne Balibar éclatante face à Sergio Castellitto et Jacques Bonnaffé. Un vrai délice de gourmet. (J.R.)
Kandahar
Une journaliste canadienne d’origine afghane décide d’aller chercher sa soeur restée au pays, après avoir reçu une lettre de cette dernière, dans laquelle elle déclare vouloir se suicider. Pour cela, il faut aller à Kandahar, à la frontière irano-afghane, en plein dans le bourbier des talibans. L’Iranien Moshen Makhmalbaf fait dans le social actuel, et ce dernier film a eu droit à une douche un peu froide lors de son passage à Cannes: mais doit-on vraiment reprocher à l’auteur de Salaam Cinéma et Gabbeh une fiction esthétisante sur un sujet grave? Non, ce n’est pas un reportage télé, mais un film; et Kandahar aurait plutôt des allures de road-movie et de western: épopée au bout de soi, ponctuée par des rencontres inattendues, dangereuses et loufoques. Un voyage absurde mais superbe au pays de l’extrémisme religieux. (J.R.)
Ocean’s Eleven
C’est le retour de l’enfant prodige. Aussi prolifique qu’une poule épanouie, Steven Soderbergh tient en main sa plus récente production, un remake policé ("personne n’est tué et il n’y a pas de langage vulgaire") du film que Lewis Milestone signa en 1960. Les mémoires se souviennent d’un film assez médiocre qui sauva son honneur par la présence de Frank Sinatra, Dean Martin et Sammy Davis. Un casting béton qui sera réactualisé par George Clooney, Brad Pitt, Matt Damon, et Julia Roberts en prime. C’est l’histoire de 11 compagnons de guerre qui décident de braquer cinq casinos la même nuit. Beaucoup plus modeste, Soderbergh n’en braquera que trois. (I.L.)
Je rentre à la maison
Un homme de théâtre et de principes (Michel Piccoli) apprend un jour par la bouche de son agent qu’un accident vient de tuer sa femme, sa fille et son beau-fils. Le destin lui a épargné un petit-fils sur lequel il s’appuiera pour trouver encore un sens à la vie. Jusqu’au jour où, malgré toutes les apparences de normalité, malgré son expérience et sa maturité, il sentira le monde se dérober sous ses pieds. Le doyen portugais Manoel de Olivieira signe une fois de plus une réflexion sur un de ses sujets de prédilection qu’est la mémoire. Dans un style tout en lenteur, il s’attarde sur les détails, les gestes anodins qui tentent de justifier l’existence lorsque tout se fait douleur. Le film d’un vétéran, mais un vrai succès cannois. (I.L.)
Le Seigneur des anneaux
Depuis l’annonce de l’adaptation cinématographique de la célébrissime fable de J. R. R. Tolkien, les fanatiques trépignent. Impatients, ils le sont à l’idée de revivre l’odyssée fantastique des neuf petits amis gnomes, elfes, hobbits, magiciens et autres bibittes sur la Terre du Milieu où la petite tribu se battra pour la destruction de l’anneau maléfique qui donnerait le pouvoir de régner sur le monde. L’adaptation signée par le Néo-Zélandais Peter Jackson (Braindead) crée des attentes titanesques qu’il compte bien satisfaire puisqu’il a déjà bouclé le tournage des trois volets de la trilogie. Les petites créatures investiront les écrans dès décembre et reviendront dans de nouvelles aventures, une fois l’an. (I.L.)
Sous le sable
Marie (Charlotte Rampling) et Jean (Bruno Cremer), vieux couple sans descendants, sont allés, comme chaque été, s’étendre sur une plage de l’Atlantique. Annonçant une petite baignade, le mari s’éclipse et ne revient jamais. S’est-il noyé, suicidé, a-t-il pris la fuite? Comme c’est bizarre! Incrédule, Marie refuse de se dire veuve et se retire sobrement, sans cris et sans éclats, dans un monde d’attente et d’espoir. Avec ce quatrième film, François Ozon sonde une nouvelle fois les blessures mélancoliques tel qu’il en fut question dans le superbe Gouttes d’eau sur pierres brûlantes. On y retrouve la même crainte sourde d’avoir perdu l’estime de l’autre sans jamais avoir la chance de tenter réparation. (I.L.)